“Force d’âme“ : De Notre Dame au discours présidentiel

Dans son allocution télévisée du mercredi 5 mars sur la menace russe, Emmanuel Macron en appelle à la force d’âme des Français : « Les décisions politiques, les équipements militaires, les budgets sont une chose ; mais ils ne remplaceront jamais la force d’âme d’une nation ». On est guère habitué à entendre cette expression. « Les âmes ! On rougit presque d’écrire aujourd’hui ce mot sacré », s’exclamait Georges Bernanos en 1946 dans son livre La France contre les robots. Quant à la force, tant de contre-sens sont possibles.

La force dont il est question désigne une des quatre vertus cardinales : prudence, justice, force et tempérance. Aujourd’hui, on n’enseigne plus guère ces vertus dites cardinales (l’adjectif « cardinal » dérivant du latin cardosignifiant charnière ou pivot) mais pour les anciens c’était un élément essentiel de leur culture classique et de leur formation aux “humanités“ gréco-latines dans un monde chrétien, vertus cardinales héritées de la philosophie gréco-latine, de L’Éthique à Nicomaque d’Aristote aux Tusculanes de Cicéron reprises par les Pères de l’Église, notamment saint Ambroise et saint Augustin.

Un détour ou plutôt un retour à l’étymologie nous indiquera que le mot « force » provient du latin fortis, fort au sens de « courageux, ferme, brave ». De fortis est dérivé aussi un autre mot de la langue française, hélas tombé en désuétude, que les Anglais ont conservé. C’est le mot « fortitude » qui désigne la force morale, la fermeté d’âme.

Les vertus sont souvent représentées sur les bas-reliefs qui ornent les porches des cathédrales médiévales et elles figurent généralement accompagnées de leur contraire, comme dans un effet de miroir. Ainsi, sur la Porte du jugement dernier de Notre Dame de Paris, célébré par Victor Hugo comme « le livre de pierre », on peut admirer la représentation de la force, tenant un lion contre son sein, brandissant une épée dans la main droite. Et si on cherche son contraire, on trouve… la lâcheté, figurée de profil qui fuit l’épée tombée à ses pieds. Comprenons bien cette représentation : le contraire de la force n’est pas la faiblesse mais la lâcheté. 

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