La commune, matrice de nos vies

La commune n’est pas une abstraction administrative. C’est le lieu où s’inscrit la vie, de la naissance à la mort, en passant par l’école, le travail, la retraite. Elle est la matrice discrète de nos vies partagées.

Édouard Herriot le disait déjà : « La commune est la cellule vitale de la Nation. L’anémier, l’appauvrir, c’est compromettre tout l’organisme. » Les maires en font chaque jour l’expérience : derrière chaque décision apparemment technique se joue une part de notre destin commun.

Car la commune, ce sont aussi des choix très concrets. Créer une place en crèche coûte environ 18 000 euros d’investissement et 15 000 euros de fonctionnement par an. Organiser les rythmes scolaires, c’est un budget supplémentaire de plusieurs centaines de millions à l’échelle du pays. Nourrir les enfants à la cantine engage une responsabilité sanitaire et éducative, comme l’a montré l’expérience de Mouans-Sartoux, qui a créé sa propre régie agricole pour servir 100 % de repas bio aux élèves, tout en réduisant le gaspillage.

Ces chiffres ne sont pas des abstractions : ils disent le poids réel, quotidien, de la commune dans nos vies. Ils rappellent aussi l’injustice fréquente des transferts de charges de l’État vers le local : on demande toujours plus aux maires, sans toujours leur donner les moyens.

Pourtant, les communes innovent. Certaines réinventent la convivialité des centres-villes, pour que l’espace public ne soit pas réduit à un centre commercial à ciel ouvert. D’autres expérimentent une sobriété heureuse, comme ces villes qui « désimperméabilisent » cours d’école et voiries pour laisser respirer la nature en ville. Rennes a inventé son Bureau des temps, capable d’adapter les horaires de bibliothèques ou de transports aux rythmes réels des habitants. En Europe du Nord, des cours d’école deviennent des jardins ouverts le week-end : pourquoi ne pas le faire ici ?

Ces initiatives disent une chose simple : la commune, ce n’est pas « faire pour » mais « faire avec ». On ne peut plus se contenter d’administrer des prestations. Il faut construire avec les habitants, leurs attentes, leurs usages, leurs fragilités. Ainsi pour l’illectronisme, qui touche encore des millions de Français : ce sont les communes, leurs centres sociaux, leurs CCAS, leurs associations partenaires, qui inventent des lieux d’accueil et de médiation numérique.

Au fond, penser la commune aujourd’hui, c’est affronter à la fois l’intime et le global. L’intime, parce que la commune touche à nos vies les plus concrètes : manger à la cantine, traverser un carrefour, trouver un banc pour se reposer. Le global, parce qu’elle est confrontée aux défis du climat, de la santé, de la transition numérique, du vieillissement.

Il nous reste à réinventer une urbanité, une civilité retrouvée, pour que nous préférions le temps passé ensemble sous les platanes d’une place plutôt que l’isolement derrière nos écrans. La commune, c’est cela : un espace de respiration collective. Une communauté de destin où se tissent, jour après jour, des liens invisibles mais essentiels.

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