
Quand Jean-Louis Borloo appelle à “débloquer la France”, il met des mots simples sur un malaise profond. Il nomme ce qui entrave notre capacité d’agir : une accumulation de procédures, de validations, de strates administratives qui finissent par épuiser les meilleures volontés. Et cela fait écho à une intuition ancienne, formulée dans les années 1950 par l’essayiste britannique C. Northcote Parkinson : une organisation tend naturellement à s’alourdir, à se complexifier et à bloquer ce qu’elle était censée faciliter.
Parkinson observait, dans la haute administration britannique, que le travail s’étendait jusqu’à occuper tout le temps disponible, et que les structures gonflaient indépendamment de la charge réelle. Il identifiait trois mécanismes : la création continue de niveaux hiérarchiques, la multiplication des contrôles, et le temps perdu en comités interminables. Plus un système s’emmêle, moins il agit. Plus il prétend maîtriser, plus il s’enferme dans sa propre mécanique.
La France n’échappe pas à cette logique : elle en est devenue l’un des cas d’école avec ses circulaires, ses contrôles croisés et ses comités interminables.
Dans les collectivités locales, chacun connaît ces journées entières englouties par des dossiers qui ne devraient en prendre qu’une heure, ces projets ralentis par cinq niveaux de validation, ces appels à projets qui épuisent les acteurs bien plus qu’ils ne les soutiennent. Non par manque de talent ou d’énergie : par excès de complexité.
Borloo le répète : nous avons construit un pays où l’on ajoute des dispositifs au lieu de simplifier, où l’on empile des règles pour se rassurer, où la défiance l’emporte sur la confiance. Résultat : un immobilisme diffus, une action publique paralysée par elle-même.
“Débloquer la France”, ce n’est pas démanteler l’État : c’est restaurer la capacité de décider, clarifier, alléger, responsabiliser. Et surtout rapprocher l’action de ceux qui la rendent réelle : les élus locaux, les agents de terrain, les associations. Là où un problème a un visage, où un délai ne s’étire pas à l’infini, où la décision engage immédiatement.
Le local contourne naturellement la loi de Parkinson.
Parce qu’il n’a ni le temps ni le luxe de la complexité.
Parce qu’il doit agir, maintenant.
La France n’est pas bloquée faute d’idées : elle l’est faute d’espace pour agir.
Retrouver le goût du possible commence par là : faire confiance à l’intelligence territoriale, alléger les mécanismes qui la brident, redonner à l’action publique son élan vital.
Débloquer la France : une urgence, mais surtout une chance.
Car un pays qui se remet en mouvement se remet à espérer

Retrouver l’intervention de Jean-Louis Borloo au Congrès des maires de France https://www.amf.asso.fr/m/congres25/page.php?id=42847&a=2025 (à partir de 2:15)