C’était il y a quelques jours à Dakar. Des représentants des régions issus de tous les continents étaient réunis pour le Sommet des régions du monde sur la sécurité alimentaire, à l’initiative du FOGAR, le Forum global des associations de régions, et à l’invitation du Président sénégalais Abdoulaye Wade. Deux jours de débats de grande qualité entre experts et élus, responsables de pouvoirs locaux.
Beaucoup d’élus régionaux français avaient fait le déplacement, malgré la campagne des élections régionales qui commence en France. Jean-Yves Le Drian, président de la Région Bretagne, a fait forte impression dans sa défense illustration des pouvoirs locaux infra-étatiques : ’’Les régions s’invitent comme un nouvel acteur dans une mondialisation réussie’’.
Mais c’est en marge du sommet que je rencontre avec quelques amis, un autre Breton, qui se qualifiait de « Breton d’après la marée noire » quand il était maire de Saint-Coulitz dans le Finistère. Kofi Yamgane, l’ancien secrétaire d’État chargé de l’intégration dans les gouvernements d’Édith Cresson, puis de Pierre Bérégovoy, est de passage à Dakar, en provenance de Lomé. Il est retourné vivre en Afrique, dans son Togo natal, et il est actuellement candidat à l’élection présidentielle qui aura lieu le mois prochain. Dans ce pays rongé par la corruption qui est devenu la chasse gardée de Faure Gnassingbé Eyadéma, héritier du pouvoir paternel qui a embastillé son frère, l’ancien ministre de la République française veut faire éclore l’état de droit, la démocratie, la liberté.
Kofi Yamgnane sourit, est heureux de retrouver les amis le temps d’un dîner, d’une pause dans la douceur du soir dakarois, avant de retourner dans la fournaise de sa campagne présidentielle à Lomé. L’homme avance, libre, face à son destin. Toujours souriant, il raconte les mesquineries du pouvoir en place, le flicage permanent, l’interdiction d’antenne, les vexations dont sont victimes ses amis. Mais il raconte cela avec détachement, sans affect, sans orgueil non plus. C’est le lot d’un candidat à cette élection particulière, qu’il semble porter comme un joug léger. Kofi Yamgnane avance, libre, face à son destin. Il a dit à ses amis togolais qu’il ne sera pas une étoile filante. Il est revenu vivre au Togo pour que ça change, pour que progressent des valeurs de liberté, de fraternité, de dignité auxquelles il croit, qui sont sa raison de vivre. Nous dînons entourés d’amis africains et européens. C’est un moment de paix dans la légèreté et la douceur du soir dakarois. Dans sa simplicité, son humanité, l’homme libre, Kofi Yamgane a déjà gagné, au delà des péripéties électorales. Il dédicace une photo où on le voît avec Nelson Mandela, un autre homme libre, qui a avancé, tranquille, face à son destin.