Le dialogue des territoires

Voici l’article paru dans la grand quotidien du Sénégal, le Soleil, le 22 janvier 2010 :

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Le dialogue des territoires
par Abdoulaye SENE, président de Global Local Forum, président de la Commission du Développement et de l’Aménagement du Territoire, Assemblée nationale de la République du Sénégal, Pierre POUGNAUD, vice-président délégué et Jean DUMONTEIL, secrétaire général du Global Local Forum.

Alors que s’est tenu, il y a quelques jours à Dakar, le Sommet des Régions du Monde sur la sécurité alimentaire, qui réunit plus de 600 responsables de collectivités territoriales issus de tous les continents, on mesure mieux le rôle des pouvoirs locaux au service du développement. Trop longtemps, les doctrines du développement ont mis presque exclusivement l’accent sur les besoins des Etats et, à l’autre bout de l’échelle, sur les projets de proximité au service de petites communautés humaines de base. C’était méconnaître la toute puissance de l’échelle intermédiaire des territoires et l’action des régions au service du progrès humain, pour promouvoir de nouvelles approches, correspondant à des identités vécues et à des espaces pertinents.

LES TERRITOIRES, POINTS D’APPUI DU DEVELOPPEMENT DURABLE

Le territoire est bien plus que la composante d’un puzzle institutionnel hérité des contraintes de l’histoire ou des volontés des planificateurs. Même si sa détermination spatiale peut être sujette à discussion et à évolutions – l’actualité montre bien qu’aucun Etat ne peut faire l’économie d’une telle réflexion – il correspond à une réalité géographique ressentie et à une solidarité vécue au quotidien. Ce peut être l’aire de rayonnement d’une métropole ou le rassemblement de petites villes et de communautés rurales fonctionnant en réseau dans un espace infra-étatique identifiable et cohérent, ou bien des provinces historiques. Mais toujours des réalités tangibles sinon mesurables qui ne se réduisent pas au seul processus institutionnel de la décentralisation. C’est la justification de la démarche du « Global Local Forum », qui a vu officiellement le jour en septembre 2009, et qui se réunira cette semaine à Dakar, à l’issue du Sommet des Régions, pour promouvoir le dialogue des territoires et de nouvelles formes de coopération décentralisée innovantes au service des populations.

Le territoire n’a pas vocation à vivre son développement dans l’autarcie ou l’accaparement des ressources. Il vit par son aptitude à fédérer des initiatives, sous le signe de ses intérêts propres, mais aussi des impératifs acceptés de la solidarité nationale ou sous-régionale. Avant même de s’interroger sur les compétences, actuelles ou souhaitables, des autorités qui le gèrent, il faut prendre conscience de ses capacités intrinsèques et de ses ambitions potentielles. Le territoire vaut en effet par les avantages comparatifs qu’il détient ou qu’il développe, et par le talent de ses acteurs, qu’il faut révéler et accompagner. L’objectif à atteindre, c’est un renforcement coordonné des capacités humaines, techniques et financières, sans cloisonnement sectoriel, sans impasse, sans maillon faible.

L’ECHANGE DES BONNES PRATIQUES ET DES SOLUTIONS INNOVANTES

Réunis au sein du Groupe de Dakar, les promoteurs du « Global Local Forum » ont cosigné un manifeste pour le dialogue des territoires, étant persuadés que les initiatives de développement des territoires ne peuvent prendre leur plein relief que si elles sont mises en commun, par l’échange des bonnes pratiques et des solutions innovantes, et accompagnées, par des acteurs institutionnels ou non étatiques. Depuis longtemps, la coopération décentralisée, de collectivité à collectivité, de territoire à territoire, a montré qu’il était possible de collaborer entre pairs et d’associer élus ou autorités territoriales, responsables techniques et sociétés civiles locales, et populations, dans des projets, puis des programmes, puis des processus, fondés sur l’expérience et tenant compte des contextes, et notamment de la diversité des approches et expressions culturelles.

Plus récemment, les associations et fédérations des pouvoirs locaux se sont donné les moyens de mettre en place au niveau mondial une organisation fusionnée et légitime, Cités et Gouvernements locaux unis (Cglu), et se sont également dotés de réseaux géographiques ou thématiques pertinents et actifs, en particulier à l’échelon régional avec l’initiative du Forum global des associations de régions (Fogar). Les gouvernements, les organisations internationales, les banques et agences de développement ont désormais pris conscience d’une dimension territorialisée des programmes. Ils se rendent compte également du fait que la réponse au défi alimentaire et climatique doit être tout autant cherchée dans le renforcement de la capacité des territoires que dans la régulation des marchés mondiaux. Mais, si l’on excepte des initiatives pionnières, notamment dans le cadre des agences des Nations Unies, les approches territoriales sont souvent une grille de lecture des politiques sectorielles plus qu’un moteur autonome du progrès des sociétés.

Il est temps de passer à une dimension supérieure, d’en faire un enjeu de premier rang du débat public mondial. Les Etats n’ont rien à y perdre, les peuples ont tout à y gagner.

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