Bienvenue à Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique. La présidente de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains (FNESR), en charge désormais des collectivités territoriales, devra trouver ses marques avec sa collègue Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement qui elle-même devra exister à côté de Nicole Bricq, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. On attend avec impatience les décrets d’attributions pour connaître les frontières ministérielles entre les trois responsables et surtout entre les deux dernières.
Ce n’est pas la première fois que le titulaire en charge des collectivités territoriales n’est pas un ministre délégué ou un secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur et que son champ d’action s’étend à la fonction publique. Claude Goasguen a été un premier et éphémère ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la citoyenneté (1995) remplacé ensuite par Dominique Perben avec les mêmes attributions (novembre 1995 – juin 1997) dans le gouvernement Juppé. Le radical de gauche, Émile Zuccarelli, a été ministre de la fonction publique, de la réforme de l’État et de la décentralisation (juin 1997 – mars 2000) dans le gouvernement Jospin avant de céder la place à Michel Sapin nommé ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’État, mais sans décentralisation (mars 2000 – mai 2002).
Depuis 1981, ce positionnement réunissant fonction publique, réforme de l’Etat et décentralisation reste l’exception mais aucune formule n’a prouvé sa supériorité sur les autres. En 1981, le communiste Anicet Le Pors était ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et des réformes administratives mais sans la décentralisation, la grande affaire de Gaston Defferre qui se verra mettre adjoindre un ministre la sécurité en août 1982 parce qu’il est plus mobilisé par la décentralisation que par les responsabilités sécuritaires de l’intérieur. Dans le gouvernement Fabius de 1984, Jean Le Garrec (PS) est secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et des simplifications administratives, Pierre Joxe est alors ministre de l’intérieur et de la décentralisation sans ministre délégué, ni secrétaire d’Etat. Il faut attendre la cohabitation de 1986-88, pour trouver des titulaires expressément en charge des collectivités : Bernard Bosson, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, chargé des collectivités locales (1986) puis Yves Galland ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur, chargé des collectivités locales. Les secrétaires d’Etat ou ministres délégués auprès du ministre de l’Intérieur se sont ensuite souvent succédé : Jean-Michel Boucheron (1988), Jean-Michal Baylet (1988-90), Jean-Pierre Sueur (1991-93), Daniel Hoeffel (1993-95), Marie-Josée Roig (2004-05), Brice Hortefeux (2005-07), Alain Marleix (2008-10), Philippe Richert (2010-12).
Dans le gouvernement Cresson de 1991, Jean-Pierre Soisson était ministre d’État, ministre de la fonction publique et de la modernisation administrative (juin 1991 – mars 1992) et Jean-Pierre Sueur chargé des collectivités locales. Dans le gouvernement Bérégovoy, Michel Delebarre était lui aussi ministre d’État, ministre de la fonction publique et des réformes administratives. Dans les deux premiers gouvernements Raffarin, le président de l’Association des maires de France Jean-Paul Delevoye est devenu ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire (2002-04) mais sans les collectivités locales comme son successeur Renaud Dutreil.
On a donc connu tous les cas de figures. Il y a même eu un secrétaire d’État au patrimoine et à la décentralisation culturelle, Michel Duffour (sénateur communiste des Hauts-de-Seine) en mars 2000, dans le gouvernement Jospin.
Cette plasticité des périmètres ministériels est surtout un message politique adressé aux populations concernées (fonctionnaires et élus locaux) plus qu’un levier d’action. Depuis 2006, le budget de la Nation est construit dans le cadre de la LOLF, loi organique relative aux lois de finances, sorte de constitution financière de l’action gouvernementale mais jamais encore on a fait coïncider les périmètres ministériels avec la nomenclature budgétaire par destination des dépenses qui fait de la mission un objectif de politique publique à atteindre, que l’on décline en programmes et actions. Au gré des alternances et de changements de gouvernement, la France continue à faire varier appellations et périmètres ministériels. On change les papiers à en-tête, les logos et les sites Internet. Les administrations centrales et déconcentrées s’adaptent, changent de référent ministériel, parfois dépendent de plusieurs patrons politiques à la lois. On remarquera toutefois que cette plasticité du design gouvernemental concerne peu le cœur de métier des grands ministères régaliens qui ne changent ni d’appellation ni de périmètre et conservent toutes leurs prérogatives quelles que soient les circonstances.