C’est un petit livre* stimulant que signe l’urbaniste, Jean Haentjens, déjà auteur de plusieurs ouvrages sur l’évolution de la gestion urbaine. Il s’adresse ici aux responsables des politiques nationales pour leur recommander de s’appuyer sur les méthodes qui ont réussi pour des villes comme Bilbao, Copenhague, Nantes ou Barcelone afin d’inventer un nouveau modèle de développement post-crise. Selon l’auteur, le secret des stratégies urbaines réussies, c’est de donner la priorité aux satisfactions et aux ressources avant de s’intéresser aux richesses. « C’est paradoxalement ce principe stratégique, visant à contourner l’économique, qui leur a permis de se développer plus vite que d’autres, il les a aussi poussées à inventer une méthode politique profondément originale », écrit Jean Haentjens.
Pour l’auteur, les Etats travaillent toujours dans le court terme et les responsables nationaux sont dans une recherche monomaniaque de croissance économique où « la dictature de l’urgence interdit toute mise en perspective », tandis que les responsables urbains jouent leur partition sur un clavier plus vaste, économie, social, urbanisme, mobilité, habitat, formation, culture, environnement… La thèse de l’auteur est séduisante. Il met en avant l’ingénierie opérationnelle et la transversalité fonctionnelle mise en œuvre dans la gestion urbaine. Il vante l’innovation urbaine combinant les avancées techniques, sociétales, culturelles autant comme leviers. Il regrette qu’il y ait très peu de capitalisation à l’échelle nationale des bonnes idées et bonnes pratiques qui émergent à l’échelle locale. Pour transformer des ressources en satisfactions, il faut une longue chaîne d’opérations et pour accroître le rendement de la chaine, il faut agir, selon lui, sur tous les maillons simultanément. Hélas, cette méthode qui a fait ses preuves à l’échelon local dans les villes citées en exemples n’est pas appliqué au niveau national
En s’appuyant sur la réponse à apporter aux satisfactions et aux ressources, « la ville satisfaisante enrichit ses habitants parce qu’elle rend, à niveau de revenu égal, leur vie quotidienne plus facile, plus saine, plus riche et plus joyeuse », estime Jean Haentjens. On se range à ses arguments quand il aborde des thèmes concrets qui se traduisent en gains de pouvoir d’achat pour les citoyens : dépenses de logement, de chauffage, de transports… Ainsi un Danois consomme 15% en moins d’énergie qu’un Français alors qu’il a un niveau de vie de 30 % supérieur et qu’il vit dans un climat plus rigoureux. L’auteur plaide aussi pour des circuits courts énergétiques et une meilleure articulation des échelles, un Etat frugal qui trouve de meilleures complémentarités avec les villes. « Dans le foisonnement créatif des cités se trouve aujourd’hui une partie de la solution aux crises qui nous frappent », conclut Jean Haentjens qui apporte là une pensée roborrative et offre ainsi une reconnaissance méritée aux efforts des responsables territoriaux.
Les contempteurs de la thèse développée par Jean Haentjens lui feront remarquer que la gestion d’un Etat et la construction de politiques publiques nationales à l’heure de la mondialisation sont infiniment plus complexes que l’élaboration des politiques urbaines locales. Il n’empêche ; la créativité de l’ingénierie urbaine a apporté la preuve de sa crédibilité avec des effets concrets pour le développement de territoire en reconversion. La thèse de Jean Haentjens fait écho aux propos de Dennis Meadow, physicien américain, auteur d’un rapport paru en 1972 pour le Club de Rome, The limits of growth (les limites de la croissance), qui critiquait la réponse des Etats à la crise par la seule croissance, en rappelant avec sagesse le proverbe japonais : « Si votre seul outil est un marteau, tout ressemble à un clou. » Alors ouvrons largement la boîte à outils et puisons dedans pour apporter les meilleures réponses.
Jean Haëntjens, économiste et urbaniste, a publié La ville Frugale (FYP éditions, 2011), Urbatopies (éditions de l’Aube, 2010), Le pouvoir des villes (éditions de l’Aube, 2008).
* Crises : la solution des villes. FYP Editions. Collection Stimulo. 96 pages. 9,90 euros TTC. ISBN-13: 978-2916571843