Le 7 avril prochain, les électeurs des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin se prononceront par référendum sur la création du Conseil d’Alsace, projet de collectivité territoriale unique réunissant les deux conseils généraux et le conseil régional. L’arrêté convoquant les électeurs est paru au Journal officiel. Pour que le projet de fusion soit victorieux et se poursuive avec son étape suivante, la ratification par le Parlement, il faudra que le oui l’emporte dans chacun des deux départements en réunissant une majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits. L’affaire est loin d’être gagnée même si le projet a été ratifié à une large majorité par les conseillers régionaux et généraux alsaciens et que le président de région, Philippe Richert, se dépense sans compter pour convaincre les indécis et mobiliser les Alsaciens. À quelques mois des élections municipales, les socialistes strasbourgeois ne veulent pas apporter leurs voix au projet porté par l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Philippe Richert. Les adjoints au maire socialistes ont annoncé qu’ils voteront non. Début janvier, le sénateur-maire Roland Ries déclarait être « obligé de voter non » pour défendre les intérêts de la capitale alsacienne car le projet prévoit que la future assemblée se réunira à Strasbourg mais que le conseil exécutif se tiendra à Colmar. Le Bas-Rhinois Roland Ries veut un siège unique pour Strasbourg mais le 30 janvier, lors de ses vœux à la presse, il n’a pas voulu confirmer son opposition à la fusion et ménage le suspens. Les élus hauts-Rhinois de Colmar et Mulhouse ont donné leur accord mais ont obtenu que les agences de la région ne soient pas toutes concentrées à Strasbourg et soient réparties sur l’ensemble du territoire. Plus personne ne se risque à faire des pronostics sur le résultat du référendum. Gilbert Meyer, maire de Colmar, qui a une bonne mémoire politique, me rappelait le précédent du référendum corse. En 2003, alors qu’un résultat positif était annoncé, le non l’avait emporté dans le référendum qui proposait une fusion des deux conseils généraux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud au sein d’une collectivité territoriale unique. Souvent, dans les référendums, les électeurs répondent à une autre question que celle qui leur est posée et envoie un message qui n’était pas attendu.
Quel avantage les Alsaciens retireront-ils de la création de la Collectivité territoriale d’Alsace ? L’argument de la simplification administrative n’est pas déterminant. Les conseils généraux disparaîtront avec la fusion mais pas les départements administratifs, l’organisation des services de l’Etat restera la même autour de la préfecture de région et des deux préfectures de département. Mais pour les collectivités territoriales, les gains attendus sont significatifs. Le conseil unique d’Alsace regroupera les compétences aujourd’hui dévolues aux conseils généraux, et au conseil régional. Le président du conseil régional indiquait récemment à mon confrère Claude Keiflin : « Il n’y aura pas non plus moins d’assistantes sociales, ni moins de personnels techniques et de services (TOS) dans les lycées et collèges. Mais le seul regroupement des services de communication, des agences économiques et touristiques des trois collectivités produira 30 millions d’économies sur 5 ans. On gagnera aussi à regrouper toutes les directions (sport, culture, etc.) ». Les défenseurs de la fusion parient égaleement sur les effets de la mutualisation et de la rationalisation : gestion commune des collèges et lycées, politique unifiée de transports publics pour les TER et les réseaux d’autocars aujourd’hui départementaux. Le président de la région compare enfin son territoire avec le grand voisin allemand du Bade-Wurtemberg et se réfère à sa création en 1952 par fusion de trois plus petits Länder.
Les règles de fonctionnement du conseil unique constitueront aussi une avancée démocratique. À côté de l’Assemblée d’Alsace composée de tous les élus qui élira son président, fixera les grandes orientations et votera le budget, il y aura un conseil exécutif d’Alsace, dirigé par le président du conseil d’Alsace et élu au scrutin majoritaire par l’assemblée. Cet exécutif pourra être renversé par l’assemblée après adoption d’une motion de défiance. On trouve ce type d’organisation dans beaucoup de pays européen.
Cette originalité politique n’est pas du goût des opposants au projet. Gardien du temple républicain, le leader du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon dénonce une « machine à déchiqueter la République ». Il n’accepte pas « que la loi votée par tous s’applique différemment, voire ne s’applique pas, selon que l’on vit en Aquitaine ou en Bretagne, que l’on vit dans la région Paca ou dans le Grand Est », et de prophétiser sous forme interrogative : « Dois-je raconter à chacun ce qu’a donné cette espèce d’envolée folle furieuse vers les autonomies dans l’Espagne ? ».
Il y a quelques jours, devant les élus alsaciens, maires, conseillers généraux, conseillers régionaux et parlementaires, le préfet de région Stéphane Bouillon a annoncé que la campagne officielle pour le Conseil d’Alsace commencera le 25 mars et les a prévenus : « Sachez que cet exercice de démocratie locale sera suivi avec attention dans toute la France ». Assurément oui.
Illustration : la campagne électorale a déjà commencé avec distribution de tracts des partisans du référendum mobilisant les électeurs alsaciens en faveur du oui et de la participation au scrutin.