Intégration : Un rapport honorable qui déclenche des réactions haineuses

C’est un rapport d’une qualité rare, écrit par un conseiller d’Etat, loin de la pesante langue technocratique. C’est un rapport qui mérite d’être lu et qu’il faut faire connaître, un document à la hauteur de son titre « La grande nation pour une société inclusive », sur la politique d’intégration que Thierry Tuot, conseiller d’État, a remis au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, en début de semaine. Un rapport ambitieux et généreux qui a provoqué des tombereaux de haine sur Internet avec même des messages d’appel au meurtre contre son auteur, qualifié de collabo de l’islamisme. Qu’écrit donc Thierry Tuot ? Il fait l’inventaire de toutes nos lâchetés administratives et politiques, qui ne sont pas au niveau de notre idéal républicain et de la place de la France dans le monde.

Il déplore que la politique d’intégration, qu’il différencie bien de la politique d’immigration, a quasiment disparu pour des raisons politiques et budgétaires. « Le résultat de l’intégration, on ne l’a pas assez dit, n’est donc pas la prospérité, la santé et l’emploi pour les étrangers », écrit Thierry Tuot, « l’intégration garantit seulement que le défaut de prospérité, de santé ou d’emploi n’est pas dû à d’autres motifs qu’éprouvent et subissent ceux auxquels une origine étrangère n’est pas prêtée. »

Le rapporteur recommande une refonte globale de la politique d’intégration, à partir d’une approche apaisée et confiante de la présence étrangère en France. Il démine et désamorce tous les fantasmes sur les immigrés, notamment musulmans. Pour lui, plusieurs principes d’action doivent être respectés : l’État doit avoir un rôle majeur d’impulsion et s’appuyer sur les acteurs locaux pour agir, les actions doivent être menées au cas par cas dans le respect des populations concernées et avec bienveillance à leur égard. Cette bienveillance doit être générale, aucune action ne devant être menée en faveur des étrangers sans qu’il n’y ait son équivalent à difficultés sociales comparables, pour ceux qui ne le sont pas, ces actions et leurs résultats doivent faire l’objet d’une évaluation précise, afin d’éviter tant la stigmatisation que les effets de seuil, ce sont les territoires qui doivent être visés plutôt que les publics. Le rapporteur prévient : « L’égalité est celle que promet la République : une égale liberté de vivre, à laquelle elle prêtera sa force pour que chacun en acquière la capacité, selon les lieux, les moments, comme le dit notre déclaration commune, selon ses vertus et ses talents. Éviter que les lendemains déchantent, dans six mois, suppose qu’on prévienne que les lendemains sont dans cinq ou dix ans et qu’on accepte soi-même, ministre ou maire, de reconnaître et discuter tous les échecs. Ce sera long lent et compliqué, mais nous réussirons. »

Le rapport propose plusieurs mesures immédiates et concrètes (accès au logement, rénovation des foyers pour vieux travailleurs immigrés, carrés musulmans dans les cimetières, travail de mémoire…). Deux propositions ont toutefois suscité la plus grande réserve du gouvernement, et notamment du ministre de l’Intérieur : donner la nationalité française sur simple déclaration aux étrangers ayant suivi une scolarité complète en France et aux ascendants de Français séjournant en France depuis 25 ans ; doter d’un « statut de tolérance » les immigrés en situation irrégulière qu’il est impossible de reconduire à la frontière. Ce statut doit leur permettre d’acquérir progressivement des droits au séjour en échange de démarches positives d’intégration. Ce type d’approche pragmatique est pratiqué par d’autres pays européens. Ce sont ces propositions qui ont déclenché des réactions enflammées sur Internet dans des réseaux nationalistes extrêmes avec des commentaires appelant à la mort du collabo, auteur du rapport. Tout cela fait froid dans le dos. La construction d’une société inclusive est décidément un combat, et l’idéal républicain une conquête permanente et difficile.

Illustration : Thierry Tuot a remis au Premier ministre son rapport sur la refondation des politiques d’intégration, le 11 février à l’Hôtel de Matignon.

Un commentaire sur “Intégration : Un rapport honorable qui déclenche des réactions haineuses

  1. Une proposition qui me rappelle « 1984 » :

     »
    La «non-désignation» des individus.

    Ce rapport, dont les propositions doivent favoriser le «vivre ensemble» pose comme principe la «non désignation» des individus puisque «désigner c’est assigner et c’est stigmatiser». «Seules les personnes devraient avoir le droit de se désigner elles-mêmes», estiment les auteurs qui souhaitent la mise en place de recommandations en direction des médias pour «ne mentionner la nationalité, l’origine, l’appartenance ethnique, la couleur de peau, la religion ou la culture que si cette information est pertinente». Pour empêcher les désignations stigmatisantes, il est aussi suggéré de créer un délit de «harcèlement racial» et d’«étudier le recours à la sanction». »

    source : http://www.leparisien.fr/politique/integration-un-rapport-detonnant-rendu-a-matignon-13-12-2013-3405679.php

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