Les grandes manœuvres ont commencé. Alors que le nouveau Sénat est sur le point d’amorcer ses travaux en examinant les deux projets de loi de réforme territoriale, les conseils généraux ne restent pas passifs. La carte des départements pourrait évoluer rapidement dans la grande région Rhône-Alpes dont la fusion est programmée avec l’Auvergne. Pour exister dans ce nouvel ensemble, les départements de Savoie et Haute-Savoie envisagent la création d’une collectivité unique Savoie Mont-Blanc. Demain jeudi 9 octobre, les 71 conseillers généraux des deux départements se réuniront pour débattre de ce projet. À cette occasion sera présentée une proposition de loi visant à créer la collectivité Savoie Mont-Blanc en remplacement des conseils généraux de la Savoie et de la Haute-Savoie, ainsi que de l’Assemblée des Pays de Savoie. D’autres départements de cette région ont aussi commencé des travaux de rapprochement. C’est le cas de la Drôme et de l’Ardèche, de la Loire et du futur département du Rhône, privé de la métropole lyonnaise. Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si ces initiatives fleurissent en Rhône-Alpes, là où Gérard Collomb et Michel Mercier ont imposé un nouvel équilibre institutionnel entre Lyon et le département du Rhône.
C’est la réforme d’en bas, la méthode “bottom up“ que promeut Maurice Leroy, président du conseil général du Loir-et-Cher. On se souvient qu’il a promu une forte mutualisation de services et de politiques publiques avec ses voisins du Loiret et de l’Eure-et-Loir. La tactique des collectivités alsaciennes est différente. Après le référendum perdu sur la création du Conseil unique d’Alsace, les présidents du conseil régional et des deux conseils généraux sont repassés à l’offensive. Cette fois, les élus alsaciens régionaux et départementaux s’appuient sur le soutien des conseils municipaux qui votent massivement des motions en ce sens, à l’initiative du maire de Mulhouse, Jean Rottner. Les Alsaciens manifestent leur opposition à la fusion de leur région avec la Lorraine et Champagne-Ardennes.
Alors que la fin du cumul des mandats est programmée pour 2017, les élections sénatoriales du 28 septembre dernier ont accru le nombre des élus locaux dirigeant de grandes collectivités territoriales. Au total, on compte désormais 35 sénateurs présidents de conseils généraux qui défendront assurément l’institution départementale.
Le projet de loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) va rebattre les cartes des compétences entre départements et régions. Examiné en première lecture au Sénat dès cet automne, il devrait être discuté à l’Assemblée nationale au 1er trimestre 2015. Ce projet de loi fera l’objet d’une bataille d’amendements mais c’est bien la bataille des départements qui est engagée. Hier, 7 octobre, le bureau de l’Assemblée des départements de France (ADF) a adopté à l’unanimité un texte demandant le report de l’examen du projet de loi pour qu’il n’ait pas lieu en pleine campagne électorale des cantonales. Cette instance pluraliste a aussi fait une ouverture stratégique en proposant que, “sur les trois types de territoires identifiés par le Premier ministre, les conseils départementaux puissent expérimenter, avec les métropoles et les intercommunalités, de nouveaux modes d’exercice des compétences de proximité et de solidarité“ dans le délai qui a été fixé à 2020 pour imaginer des solutions adaptés pour les départements.
Les présidents de départements ont une chance d’être entendus en affirmant “que dans la France de demain, où la plus-value des régions XXL résidera dans les fonctions stratégiques et dans la compétitivité, le maintien d’un échelon départemental se justifie plus que jamais pour assurer les politiques de solidarité, de proximité, et la péréquation entre communes et intercommunalités“.
Illustration : le budget de la Savoie en 2013 et sa répartition