C’est une proposition de loi qui vient de loin et on s’étonne qu’elle ne soit pas votée depuis longtemps. Elle est tellement inhabituelle que Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, a saisi le Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour avoir un avis avant la discussion au Palais Bourbon. C’est la première saisine du CESE par l’Assemblée depuis le début du mandat législatif. Cette proposition de loi d’expérimentation pour des “territoires zéro chômeur de longue durée”, déposée par le député Laurent Grandguillaume (PS, Côte-d’Or), soutenue par le gouvernement et le groupe PS, sera la première loi d’expérimentation d’origine parlementaire depuis la réforme constitutionnelle de 2003.
Ce concept de “territoires zéro chômeur de longue durée“ est promu par l’association ATD Quart-Monde depuis… 2010. Il s’agit de mettre en place un fonds d’expérimentation dans des territoires qui sera alimenté par les allocations de chômeurs de longue durée volontaires. Il leur serait proposé un contrat à durée indéterminé, financé par ces allocations, dans une entreprise de l’économie sociale et solidaire (possibilité d’élargissement à d’autres secteurs). “Le fond d’expérimentation local réunira, avant de lancer l’expérimentation, collectivités territoriales, organisations patronales, syndicats, acteurs économiques, pour définir collectivement les besoins du territoire“, explique Laurent Grandguillaume, précisant qu’il ne pourra pas y avoir de concurrence avec des entreprises déjà existantes. Les détracteurs de la formule pointent le risque de créer des CDI d’emplois aidés à vie.
ATD Quart Monde explique que cela coûte moins cher de financer un CDI payé au smic à un chômeur longue durée plutôt que de l’indemniser pour compenser son inactivité. L’association a évalué à 15.000 euros par an et par chômeur les dépenses liées à privation d’emploi de longue durée (allocations suivies des fins de droits, RSA, manque à gagner de cotisations…). La réforme constitutionnelle de 2003 qui a reconnu l’organisation décentralisée de la République et la loi organique du 1er août 2003, qui fixe les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales volontaires peuvent mettre en œuvre des dispositifs expérimentaux d’innovation sociale, est restée très peu utilisée (RSA, contrat de transition professionnelle, garantie jeunes…).
Quatre territoires ont déjà commencé le recensement des besoins non couverts et des compétences des chômeurs volontaires : Pipriac (Ille-et-Vilaine), Trémery (Nièvre), Mauléon (Deux-Sèvres), Colombey-les-belles (Meurthe-et-Moselle). Les vertus de l’expérimentation sont connues. On ne peut que souhaiter le développement de telles initiatives.
Signalons qu’ATD Quart Monde organise un colloque le 15 septembre à l’Assemblée nationale sur cette loi d’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée »