Je présentais hier la nouvelle édition de l’Atlas des Modes de gestion des services publics locaux dans le cadre de l’assemblée générale de l’Institut de la gestion déléguée (IGD). Pour sa troisième édition, ce document réalisé avec l’IGD et les associations de collectivités territoriales, France urbaine, Villes de France et Assemblée des communautés de France, a élargi son périmètre d’étude et a intégré les évolutions issues des réformes territoriales des lois NOTRe et MAPTAM.
En 2013, la première édition portait sur les villes de plus de 100 000 habitants. En 2015, la deuxième édition s’ouvrait aux villes de plus de 40 000 habitants. La nouvelle édition concerne l’ensemble des villes ou intercommunalités de plus de 30.000 habitants, avec communes-centres de plus de 15.000 habitants, soit l’ensemble des communautés d’agglo.
L’Atlas inventorie les modes de gestion (régie directe, gestion déléguée…) et le rattachement de compétence (communes ou interco) de 14 services et politiques publiques locales : distribution de l’eau, assainissement, collecte des déchets, valorisation des déchets, transports urbains, stationnement, réseaux de chaleur, éclairage public, restauration collective, accueil collectif de la petite enfance, centres des congrès-zénith, équipements sportifs et culturels.
Tous secteurs confondus, notre étude révèle un recours à la mixité des modes de gestion (gestion publique directe et gestion déléguée sur un même territoire) de plus en plus fréquent. Cela s’explique en partie par la fusion d’intercommunalités qui avaient précédemment des modes de gestion différents.
On enregistre aussi la montée en puissance de la gestion des services publics locaux à l’échelle des EPCI au détriment, d’une part, des communes et, d’autre part, des syndicats intercommunaux. Rappelons que pour les grandes politiques environnementales, la loi NOTRe prévoit le transfert obligatoire des compétences eau et déchets vers les EPCI à fiscalité propre à compter du 1er janvier 2020, la loi du 3 août 2018 précisant que le transfert des compétences eau et assainissement pouvant être reporté au 1er janvier 2026 en cas de minorité de blocage au sein de l’EPCI. En revanche, des activités telles que la restauration collective ou l’accueil collectif de la petite enfance restent, pour l’heure, très majoritairement communales.
Enfin, même si la réversibilité des modes de gestion n’est plus un tabou dans un grand nombre de domaines, on observe un besoin de stabilité, les évolutions à venir sur le choix des modes de gestion étant souvent dictées par un besoin d’harmonisation au sein des intercommunalités.
Pas d’approche idéologique dans le choix des modes de gestion
Les résultats de notre recensement permettent de confirmer trois enseignements déjà délivrés par les précédentes éditions :
– Contrairement à une idée reçue largement répandue, le choix du mode de gestion des services publics locaux n’a pas de lien avec l’appartenance partisane des exécutifs locaux. Par exemple, la gestion directe est majoritaire à Nice et la gestion déléguée dominante à Cergy-Pontoise…). Le mode de gestion est souvent le fruit de l’histoire, de choix anciens qui n’ont pas été remis en question au gré des alternances politiques, d’une culture du territoire aussi, mais surtout il est le fait de décisions pragmatiques, de choix clairement assumés du mode de gestion qui apparait aux élus des territoires comme étant le mieux adapté à leur situation, à leurs moyens financiers, humains et techniques.
– Il n’existe pas de territoire qui gère la totalité de ses services publics d’une seule manière, ce qui renforce l’idée selon laquelle le choix est avant tout pragmatique.
– Aucun service public n’est géré de manière uniforme sur tout le territoire national ou sur l’ensemble de l’échantillon étudié. Même s’il existe des tendances lourdes, liées certainement à la technicité ou à la complexité de certains services publics (par exemple les réseaux de chaleur sont massivement délégués à des opérateurs spécialisés), mais il n’y a pas d’uniformité en la matière.
Ces trois enseignements sont confirmés et l’édition 2019 de l’Atlas permet de nouveaux constats. D’abord, la recomposition territoriale, née des importantes réformes de 2015 en cours, n’a pas encore apporté tous ses fruits. Les mutations vont se pourvuivre. La fusion d’EPCI avec l’élargissement de périmètres a laissé perdurer des contrats existants et parfois des modes de gestion différents. L’harmonisation des modes de gestion de leurs services publics sera assurément un dossier pour le prochain mandat 2020-2026. Ensuite, on observe moins de réversibilité (de changement de modes de gestion) dans les plus petits territoires et la gestion directe y est plus forte. Enfin, il n’y a pas de mouvement de “remunicipalisation“, contrairement à ce que peuvent dire certains commentateurs politiques.
La gestion directe a reculé fortement dans les grandes villes
La première édition de l’Atlas 2013 portait sur les grandes villes de plus de 100.000 habitants. Il est intéressant de pouvoir comparé et mesurer les évolutions qui se sont accomplies au cours du cycle électoral municipal (En 2013, on est à la veille des municipales de 2014 comme aujourd’hui, on l’est des élections de mars 2020).
Pour la distribution de l’eau potable, on enregistre une augmentation de 20% des EPCI titulaires de la compétence quand les communes ont vu leur part diminuer de 16%. Il en va de même concernant le stationnement dont la proportion d’EPCI compétents a augmenté de 29%, ou encore en matière de réseaux de chaleur où elle est passée de 28% à 67%.
La mixité des modes de gestion pour un même service et sur un même territoire augmente progressivement . C’est par exemple le cas en matière de collecte des déchets ou la mixité des modes de gestion est passé de 14% à 42%, soit une augmentation de 28% ou encore en matière de distribution de l’eau potable ou elle augmente de 24%. Cela peut s’expliquer par la fusion d’intercommunalités mais aussi par le choix des élus locaux de créer une émulation public/privé en ayant une possibilité de comparaison et donc d’évaluation dans la délivrance du service qui peut être déléguée à un opérateur dans un quartier ou assurée en gestion directe dans un autre. Pour la délivrance de certains services, des opérateurs privés peuvent intervenir à certaines étapes (par exemple en restauration scolaire, gestion déléguée pour la production des repas en cuisine centrale et gestion directe à la cantine°
Sur la période 2013-2019, dans les villes de plus de 100.000 habitants on mesure l’augmentation très nette de la gestion déléguée dans plusieurs domaines : pour la valorisation des déchets, on passe de 43% à 53%. Pour la restauration collective, la gestion déléguée augmente de 9%. La gestion directe recule de 3% à 14% selon les domaines à l’exception des crèches où la pluralité de solutions l’emporte. Pour la gestion de l’éclairage public, la diminution est de 17%.
Méthodologie : L’enquête a été menée par téléphone et/ou en ligne par la société Axe Image. Les résultats de cette cartographie ont été obtenus à partir d’un questionnaire accompagné d’entretiens directifs. Des commentaires qualitatifs ont été apportés aux réponses par les directions générales des collectivités et EPCI.
Pour chaque secteur, il a été demandé :
– d’identifier l’autorité responsable et organisatrice (commune, communauté d’agglomération, communauté urbaine ou métropole, syndicat au périmètre plus vaste)
– de préciser le mode de gestion actuel de ce service public local (gestion directe, gestion déléguée à une entreprise ou à une SEM, ou la mixité des modes de gestion)
– d’indiquer les changements de mode de gestion intervenus (en 2000 et en 1990)
– d’informer sur une éventuelle réflexion du mode de gestion à venir, le principe de réversibilité étant consubstantiel à la gestion des services publics locaux.