La petite patrie : un mot ancien pour un avenir tout neuf

Il arrive que certaines expressions paraissent surgir d’un seul esprit, tant elles semblent coller à une personnalité. Ainsi de la « petite patrie ». Beaucoup l’attribuent spontanément à Édouard Herriot, tant le grand maire radical-socialiste de Lyon l’a utilisée pour dire la force du lien communal, le premier territoire de la République. D’autres évoquent Péguy ou Jaurès. À vrai dire, personne n’en a la paternité. Et c’est précisément ce qui la rend si précieuse.

L’expression circule déjà au XVIIIᵉ siècle, avant de s’imposer au XIXᵉ dans l’école républicaine, la littérature civique et les grands textes d’éducation populaire. Elle désigne cette évidence : avant d’aimer la « grande patrie », il faut avoir appris à aimer un lieu précis, une communauté concrète, un territoire où l’on a joué, appris, rencontré le monde. La petite patrie, c’est le pays natal, le quartier, la commune, ce morceau de France que l’on porte en soi comme un premier alphabet du civisme.

Péguy en a nourri ses images de fidélité charnelle, Jaurès en a fait un point d’appui pour l’émancipation républicaine, mais Herriot est celui qui l’a projetée au cœur du débat politique moderne. Dans son émouvant discours au congrès des maires de France en 1945, le maire de Lyon, président de l’AMF dans l’immédiat après-guerre, exalte la petite patrie. Chez lui, elle n’est pas un refuge ; elle est l’espace vivant de la citoyenneté, la matrice où s’apprend l’art de la responsabilité. « La commune, c’est l’école du pays », disait-il en substance. On pourrait reprendre cette phrase aujourd’hui sans en changer un mot.

Car cette vieille expression raconte une vérité que notre temps redécouvre : on ne régénère pas une démocratie par les seules réformes institutionnelles ; on la régénère par les territoires. Là où les citoyens rencontrent le réel, là où ils peuvent agir, là où la République reprend chair. Le local n’est pas le contraire de la Nation : c’en est la condition de possibilité.

À l’heure où l’on parle de décentralisation à bout de souffle, et de recentralisation à bas bruit, peut-être est-il temps de restituer des pouvoirs, mais il s’agit surtout de restituer du sens. Reprendre le chemin qui va de la petite patrie à la grande patrie, celui qu’Herriot, Jaurès et Péguy n’ont jamais cessé d’arpenter. C’est là que se joue l’avenir démocratique : dans la fidélité à ces lieux où l’on apprend encore à être citoyens — humblement, concrètement, localement. 

Et si vous vous interrogez sur la notion même de patrie, je vous transmets la belle définition qu’en a donnée l’écrivain voyageur Patrice Franceschi : « le lieu où tout ce qui arrive aux autres vous arrive à vous-mêmes ». 

Illustration : Édouard Herriot, en 1949, lors des cérémonies du sixième centenaire du rattachement du Dauphiné à la France.

Débloquer la France : Parkinson avait raison

Quand Jean-Louis Borloo appelle à “débloquer la France”, il met des mots simples sur un malaise profond. Il nomme ce qui entrave notre capacité d’agir : une accumulation de procédures, de validations, de strates administratives qui finissent par épuiser les meilleures volontés. Et cela fait écho à une intuition ancienne, formulée dans les années 1950 par l’essayiste britannique C. Northcote Parkinson : une organisation tend naturellement à s’alourdir, à se complexifier et à bloquer ce qu’elle était censée faciliter.

Parkinson observait, dans la haute administration britannique, que le travail s’étendait jusqu’à occuper tout le temps disponible, et que les structures gonflaient indépendamment de la charge réelle. Il identifiait trois mécanismes : la création continue de niveaux hiérarchiques, la multiplication des contrôles, et le temps perdu en comités interminables. Plus un système s’emmêle, moins il agit. Plus il prétend maîtriser, plus il s’enferme dans sa propre mécanique.

La France n’échappe pas à cette logique : elle en est devenue l’un des cas d’école avec ses circulaires, ses contrôles croisés et ses comités interminables.

Dans les collectivités locales, chacun connaît ces journées entières englouties par des dossiers qui ne devraient en prendre qu’une heure, ces projets ralentis par cinq niveaux de validation, ces appels à projets qui épuisent les acteurs bien plus qu’ils ne les soutiennent. Non par manque de talent ou d’énergie : par excès de complexité.

Borloo le répète : nous avons construit un pays où l’on ajoute des dispositifs au lieu de simplifier, où l’on empile des règles pour se rassurer, où la défiance l’emporte sur la confiance. Résultat : un immobilisme diffus, une action publique paralysée par elle-même.

“Débloquer la France”, ce n’est pas démanteler l’État : c’est restaurer la capacité de décider, clarifier, alléger, responsabiliser. Et surtout rapprocher l’action de ceux qui la rendent réelle : les élus locaux, les agents de terrain, les associations. Là où un problème a un visage, où un délai ne s’étire pas à l’infini, où la décision engage immédiatement.

Le local contourne naturellement la loi de Parkinson.
Parce qu’il n’a ni le temps ni le luxe de la complexité.
Parce qu’il doit agir, maintenant.

La France n’est pas bloquée faute d’idées : elle l’est faute d’espace pour agir.
Retrouver le goût du possible commence par là : faire confiance à l’intelligence territoriale, alléger les mécanismes qui la brident, redonner à l’action publique son élan vital.

Débloquer la France : une urgence, mais surtout une chance.
Car un pays qui se remet en mouvement se remet à espérer

Retrouver l’intervention de Jean-Louis Borloo au Congrès des maires de France https://www.amf.asso.fr/m/congres25/page.php?id=42847&a=2025 (à partir de 2:15) 

Le tourisme 2.0, une chance pour les communes rurales

Airbnb a bouleversé la carte du tourisme français. En dix ans, quatre communes sur cinq accueillent désormais au moins un hébergement sur la plateforme. Ce que l’on pourrait lire comme une menace pour le logement peut aussi devenir une opportunité pour les territoires ruraux. Certes, dans les métropoles, certains quartiers dépassent 15 000 nuitées pour 1 000 habitants et la spéculation immobilière qui incite à la location de courte durée a des effets très négatifs. Ce n’est pas le cas pour des petites communes. 

Dans des villages où l’hôtel a disparu depuis longtemps, où les commerces peinent à survivre, la location entre particuliers a rouvert une fenêtre. Elle permet à des habitants de compléter leurs revenus, à des visiteurs de séjourner là où il n’y avait plus d’offre, et à des bourgs oubliés de retrouver une économie de passage, donc de vie – taxe de séjour, activité commerciale.

Plutôt que de freiner, encourageons ces territoires à s’organiser. Invitons les propriétaires de résidences secondaires à les louer quelques semaines par an : c’est un moyen simple de maintenir un patrimoine, de soutenir les commerces, d’alléger les charges communales.

Pensons un tourisme des quatre saisons : pas seulement juillet-août, mais aussi l’automne des forêts, l’hiver des marchés et des randonnées, le printemps des jardins et des festivals.

Ces territoires ne doivent pas survivre deux mois par an, mais vivre toute l’année.

Autour de cette hospitalité nouvelle, on peut imaginer des services complémentaires et thématiques : repas partagés, circuits culturels, ateliers créatifs, activités sportives… Le numérique n’est qu’un outil ; la véritable ressource, c’est la qualité de l’accueil, la beauté des lieux et la fierté d’en être. 

Le tourisme 2.0 ne condamne pas le local : il peut le réinventer. Encore faut-il que nous en fassions une politique du lien, pas seulement de la consommation, un projet de société fondé sur le temps de la rencontre. 

Quand la démographie façonne la vie locale

La vie d’une commune ne se mesure pas seulement en mètres carrés ou en budgets, mais d’abord en habitants. Derrière les chiffres de l’INSEE, ce sont des visages, des voix, des générations. Une école qui ferme, c’est une cour de récréation qui se tait. Un lotissement qui sort de terre, ce sont de nouveaux enfants, de nouveaux besoins, une vie qui se réinvente.

La démographie, au fond, conditionne tout. Dans certains départements ruraux, plus d’un habitant sur trois a déjà plus de 60 ans. Dans d’autres, comme la Haute-Garonne ou l’Hérault, ce sont des milliers de jeunes familles qui arrivent chaque année, obligeant à construire des crèches, des écoles, des logements. Entre ces deux pôles, les communes de l’entre-deux — périurbaines, petites villes — oscillent entre croissance et déclin, chacune avec ses fragilités.

Prenons Charny-Orée-de-Puisaye, dans l’Yonne. Confrontée au vieillissement et à la baisse des naissances, la municipalité a organisé un week-end inédit pour inviter des familles parisiennes à découvrir le village : écoles, maisons, commerces, associations, paysages… L’accueil chaleureux a convaincu plusieurs familles de s’installer. Ce n’était pas un plan national, mais une initiative locale, pragmatique, inventive. À Espinas, 210 habitants dans le Tarn-et-Garonne, l’ancienne école a été transformée en espace de coworking. Résultat : des jeunes actifs de Toulouse ou Montauban, séduits par le calme et le numérique, se sont installés avec leurs familles. À Bleurville, dans les Vosges, ce sont des logements rénovés à loyers abordables qui ont redonné vie aux rues et sauvé l’école de la fermeture. À Saint-Aignan, en Bretagne, c’est la culture et le patrimoine qui ont attiré de nouveaux habitants, grâce à des festivals et des animations autour du lac voisin.

Chaque exemple raconte la même chose : une commune n’est jamais condamnée à la fatalité des chiffres. Elle peut choisir de redevenir désirable. Elle peut miser sur la qualité de vie, sur l’accueil, sur la convivialité.

Mais la démographie, ce n’est pas seulement un problème rural. Les communes urbaines aussi sont sous tension. Faut-il construire de nouveaux logements pour accueillir des familles, au risque de densifier et de froisser les habitants installés ? Comment concilier l’arrivée de nouveaux habitants avec la préservation d’un cadre de vie ? Tout programme immobilier exige des crèches, des écoles, des espaces verts. Derrière chaque mètre carré bâti, il y a un équilibre social à préserver.

En Espagne, des villages entiers sont désertés : c’est « l’Espagne vide » complètement dépeuplée. En France, notre réseau dense de petites villes évite pour l’instant cet abandon. Mais il faut sans cesse inventer, comme l’ont compris ces maires qui redonnent vie à des maisons, des cours d’école, des espaces publics.

La démographie n’est pas qu’une courbe : c’est une respiration. Trop faible, et la commune s’éteint. Trop forte, et elle risque l’asphyxie. Le rôle des élus est d’accompagner ce souffle, d’en faire une force et non une fracture.

La commune, matrice de nos vies

La commune n’est pas une abstraction administrative. C’est le lieu où s’inscrit la vie, de la naissance à la mort, en passant par l’école, le travail, la retraite. Elle est la matrice discrète de nos vies partagées.

Édouard Herriot le disait déjà : « La commune est la cellule vitale de la Nation. L’anémier, l’appauvrir, c’est compromettre tout l’organisme. » Les maires en font chaque jour l’expérience : derrière chaque décision apparemment technique se joue une part de notre destin commun.

Car la commune, ce sont aussi des choix très concrets. Créer une place en crèche coûte environ 18 000 euros d’investissement et 15 000 euros de fonctionnement par an. Organiser les rythmes scolaires, c’est un budget supplémentaire de plusieurs centaines de millions à l’échelle du pays. Nourrir les enfants à la cantine engage une responsabilité sanitaire et éducative, comme l’a montré l’expérience de Mouans-Sartoux, qui a créé sa propre régie agricole pour servir 100 % de repas bio aux élèves, tout en réduisant le gaspillage.

Ces chiffres ne sont pas des abstractions : ils disent le poids réel, quotidien, de la commune dans nos vies. Ils rappellent aussi l’injustice fréquente des transferts de charges de l’État vers le local : on demande toujours plus aux maires, sans toujours leur donner les moyens.

Pourtant, les communes innovent. Certaines réinventent la convivialité des centres-villes, pour que l’espace public ne soit pas réduit à un centre commercial à ciel ouvert. D’autres expérimentent une sobriété heureuse, comme ces villes qui « désimperméabilisent » cours d’école et voiries pour laisser respirer la nature en ville. Rennes a inventé son Bureau des temps, capable d’adapter les horaires de bibliothèques ou de transports aux rythmes réels des habitants. En Europe du Nord, des cours d’école deviennent des jardins ouverts le week-end : pourquoi ne pas le faire ici ?

Ces initiatives disent une chose simple : la commune, ce n’est pas « faire pour » mais « faire avec ». On ne peut plus se contenter d’administrer des prestations. Il faut construire avec les habitants, leurs attentes, leurs usages, leurs fragilités. Ainsi pour l’illectronisme, qui touche encore des millions de Français : ce sont les communes, leurs centres sociaux, leurs CCAS, leurs associations partenaires, qui inventent des lieux d’accueil et de médiation numérique.

Au fond, penser la commune aujourd’hui, c’est affronter à la fois l’intime et le global. L’intime, parce que la commune touche à nos vies les plus concrètes : manger à la cantine, traverser un carrefour, trouver un banc pour se reposer. Le global, parce qu’elle est confrontée aux défis du climat, de la santé, de la transition numérique, du vieillissement.

Il nous reste à réinventer une urbanité, une civilité retrouvée, pour que nous préférions le temps passé ensemble sous les platanes d’une place plutôt que l’isolement derrière nos écrans. La commune, c’est cela : un espace de respiration collective. Une communauté de destin où se tissent, jour après jour, des liens invisibles mais essentiels.

Civisme : une fracture générationnelle ?

Le civisme ne se prêche pas, il s’invite. Dans une société fragmentée, traversée de doutes et de replis, le civisme ne peut plus être une morale abstraite. Il doit redevenir un geste, un lien, une manière concrète de faire société. À condition d’en renouveler les formes, d’en partager la responsabilité… et d’y associer toutes les générations. 

Il fut un temps où le mot “civisme” semblait un peu suranné. Comme une injonction polie mais sans prise sur le réel. Aujourd’hui, il revient au cœur du débat public. Non comme un simple mot d’ordre, mais comme une question vitale : que reste-t-il du sentiment d’appartenance à une communauté de citoyens ?

Lors des Assises du civisme organisées le 25 juin à l’AMF, Jérôme Fourquet a présenté les résultats d’une enquête Ifop aussi fine qu’inquiétante. Une donnée, en particulier, a frappé les esprits : seulement 38 % des 18-24 ans estiment que le civisme est “une valeur essentielle dans une société démocratique”, contre 62 % des plus de 65 ans. L’écart est abyssal. Non parce que les jeunes rejetteraient la République, mais parce qu’ils peinent à s’y reconnaître.

Quand on leur demande ce qu’évoque pour eux le mot “civisme”, près d’un jeune sur deux avoue ne pas savoir exactement. La moitié des 18-24 ans dit n’avoir jamais entendu parler de cette notion à l’école. Et ils sont nombreux à considérer que le civisme est avant tout un devoir des autres : les institutions, les élus, les adultes. À l’inverse, les plus âgés associent spontanément le civisme à des attitudes concrètes : ne pas jeter ses déchets dans la rue, aider un voisin, voter.

C’est ici que se creuse une différence d’approche entre les générations. Si 82 % des Français dans leur ensemble considèrent que voter est une marque de bon citoyen, ce chiffre chute à 70 % chez les moins de 25 ans. De même, le respect des autres, quelles que soient leurs origines, est jugé essentiel par 95 % des plus de 65 ans, mais seulement 85 % des jeunes adultes.

Les jeunes privilégient les causes plutôt que les structures

« Les jeunes se reconnaissent moins que leurs aînés dans les comportements qui constituent pourtant le civisme ordinaire », explique Jérôme Fourquet. Faut-il y voir un désengagement ? Pas nécessairement. Car les formes d’engagement évoluent. Les jeunes privilégient des causes (environnement, solidarité, égalité, cause animale) à des structures. Ils s’engagent par actions plus que par appartenance, par élans concrets plus que par principes abstraits.

Cette mutation ne relève pas d’un refus du civisme, mais d’une transformation silencieuse de ses codes. Elle suppose qu’on leur donne les moyens de s’engager à leur manière, et qu’on reconnaisse comme “civique” ce qui ne relève pas toujours du cadre institutionnel classique.

Ce clivage générationnel ne saurait être réduit à une question d’éducation. Il exprime une transformation profonde du lien civique : moins d’attachement aux symboles, plus d’attente de réciprocité, davantage de défiance vis-à-vis de la verticalité de l’État. Les jeunes réclament des formes d’engagement plus souples, plus locales, plus choisies. Mais encore faut-il qu’on leur tende la main, qu’on leur propose autre chose que des injonctions à “se comporter correctement”.

C’est là qu’interviennent les collectivités locales et leurs élus, tisserands patients de lien social. Le Passeport du civisme, créé par Maxence de Rugy, maire de Talmont-Saint-Hilaire en Vendée, invite ainsi les jeunes à s’impliquer dans des actions concrètes — entraide, découverte des institutions, engagement associatif. Loin des discours abstraits, il s’agit ici de vivre le civisme, d’en faire l’expérience. Plus de 500 communes ont rejoint cette initiative soutenue par l’Association des maires de France.

Même chose pour L’Heure civique, Inventée par Atanase Perifan, créateur de La Fête des voisins : une heure par mois, donnée librement à une action locale de solidarité, de transmission ou de lien social. Ce geste, modeste mais volontaire, a une portée symbolique forte : il dit que chacun peut contribuer, à sa mesure, à l’entretien du bien commun.

Lors des Assises du civisme, un maire d’une petite commune rurale l’a résumé d’une phrase simple : “Le civisme ne se prêche pas, il s’invite.” Et c’est là tout l’enjeu. Ne pas faire la morale, mais offrir des occasions d’agir. Ne pas attendre que les jeunes reviennent vers la République, mais aller vers eux avec confiance. Car ce que révèle l’enquête Ifop, ce n’est pas une rupture définitive, mais un risque de décrochage. Et, en creux, une promesse : celle de reconstruire un civisme à hauteur d’homme, adapté aux temps présents, enraciné dans le quotidien, porté par la proximité. Un civisme qui ne serait plus un mot oublié dans un manuel, mais un chemin possible pour refaire société.

Ce combat est difficile, parfois ingrat. Il suppose de tenir bon face aux moqueries, à l’indifférence ou à la résignation. Mais il porte en lui une promesse : celle de refaire société, non pas sur des mots, mais sur des actes. Ce que révèlent les Assises du civisme, au fond, c’est que le civisme ne meurt pas – il mute. Il change de forme, de langage, d’ancrage. Moins statutaire, plus relationnel. Moins vertical, plus collaboratif.

Mais cette mutation n’est pas spontanée. Elle suppose une reconnaissance politique, une organisation collective, une valorisation institutionnelle. Elle suppose aussi que les adultes, les élus, les responsables publics incarnent ce qu’ils appellent de leurs vœux. Et que l’on cesse d’opposer les générations là où il s’agit, précisément, de tisser du commun.

Illustration : Les Assises du civisme, le 25 juin à l’AMF, marquaient les dix ans du Passeport du civisme créé par Maxence de Rugy à Talmont-Saint-Hilaire. David Lisnard, maire de Cannes, le promeut dans sa ville comme Edouard Philippe au Havre.

“Force d’âme“ : De Notre Dame au discours présidentiel

Dans son allocution télévisée du mercredi 5 mars sur la menace russe, Emmanuel Macron en appelle à la force d’âme des Français : « Les décisions politiques, les équipements militaires, les budgets sont une chose ; mais ils ne remplaceront jamais la force d’âme d’une nation ». On est guère habitué à entendre cette expression. « Les âmes ! On rougit presque d’écrire aujourd’hui ce mot sacré », s’exclamait Georges Bernanos en 1946 dans son livre La France contre les robots. Quant à la force, tant de contre-sens sont possibles.

La force dont il est question désigne une des quatre vertus cardinales : prudence, justice, force et tempérance. Aujourd’hui, on n’enseigne plus guère ces vertus dites cardinales (l’adjectif « cardinal » dérivant du latin cardosignifiant charnière ou pivot) mais pour les anciens c’était un élément essentiel de leur culture classique et de leur formation aux “humanités“ gréco-latines dans un monde chrétien, vertus cardinales héritées de la philosophie gréco-latine, de L’Éthique à Nicomaque d’Aristote aux Tusculanes de Cicéron reprises par les Pères de l’Église, notamment saint Ambroise et saint Augustin.

Un détour ou plutôt un retour à l’étymologie nous indiquera que le mot « force » provient du latin fortis, fort au sens de « courageux, ferme, brave ». De fortis est dérivé aussi un autre mot de la langue française, hélas tombé en désuétude, que les Anglais ont conservé. C’est le mot « fortitude » qui désigne la force morale, la fermeté d’âme.

Les vertus sont souvent représentées sur les bas-reliefs qui ornent les porches des cathédrales médiévales et elles figurent généralement accompagnées de leur contraire, comme dans un effet de miroir. Ainsi, sur la Porte du jugement dernier de Notre Dame de Paris, célébré par Victor Hugo comme « le livre de pierre », on peut admirer la représentation de la force, tenant un lion contre son sein, brandissant une épée dans la main droite. Et si on cherche son contraire, on trouve… la lâcheté, figurée de profil qui fuit l’épée tombée à ses pieds. Comprenons bien cette représentation : le contraire de la force n’est pas la faiblesse mais la lâcheté. 

Mayotte demain, Singapour ou Haïti ?

(Article paru dans la lettre d’information Confinews de janvier 2025)

Beaucoup de nos concitoyens hexagonaux ont découvert Mayotte à l’occasion du dernier cyclone qui l’a frappée : politique de l’émotion, images terribles qui, hasard du calendrier, faisaient écho aux semblables et tragiques paysages tropicaux dévastés par le tsunami de décembre 2004 au nord-est de l’océan Indien. Écho aussi à la réouverture de Notre-Dame de Paris : « Nous reconstruirons Notre-Dame en cinq ans » ; « Nous refonderons Mayotte en deux ans ». Sauf qu’ici, il ne s’agit pas de reconstruire comme la cathédrale parisienne « à l’identique » car à la veille du cyclone Mayotte était déjà dans une situation catastrophique qu’un long aveuglement et le déni d’impuissance empêchent de voir en face.   

Il faut regarder Mayotte à la bonne échelle. Sa superficie est de 376 km2, trois fois plus petit que la Martinique, 15 fois moins que la Corrèze, département hexagonal moyen, et même deux fois moins étendue que la communauté d’agglomération de Tulle. Contrairement à ce que les images peuvent donner à voir, Mamoudzou n’est pas non plus la banlieue de Saint-Denis-de-la-Réunion. Situé à 8.000 km de la métropole, à l’entrée nord du Canal du Mozambique ce petit territoire composé de deux îles principales (Petite Terre et Grande Terre séparées par un bras de mer), vit à 67 km d’Anjouan (Comores), 300 km de Madagascar et à même distance des côtes africaines. Mayotte est plus proche de Zanzibar que de la Réunion distante de 1.400 km.

J’étais présent à Mayotte lors du précédent grand cyclone dévastateur Kamisy en 1984. Deux cyclones, deux époques, ou comment en quarante ans une île paradisiaque est devenue un enfer. 

En 1984, Mayotte était encore peuplée de quelques dizaines de milliers d’habitants, il n’y avait qu’un seul hôtel rudimentaire et le tourisme n’existait pas sur cette île pourtant splendide avec le plus grand lagon fermé du monde barrière de corail longue de plus de 160 km, avec sa petite préfecture coloniale construite par les Ateliers Eiffel, quelques pistes en terre et une poignée de légionnaires pour protéger une station d’écoute car, à l’entrée du Canal du Mozambique, Mayotte était une place stratégique. En 1984, l’île n’était reliée à la Réunion (et donc à la France) que par un vol bi-hebdomadaire de près de quatre heures. 

Un statut toujours contesté par le droit international

En 1984, la justice était encore rendue par des cadis sur ce territoire marqué par un matriarcat islamique singulier. Mayotte est alors appelée “l’île aux parfums“, ainsi nommée pour la production principale de l’ylang-ylang. Plus de 10 % de la production mondiale de cette fleur qui trouvait un débouché chez les parfumeurs européens qui depuis la départementalisation se tournent vers les autres îles des Comores et Madagascar plus entreprenantes. 

En 1984, un énième référendum (qui sera différé) était prévu à Mayotte pour confirmer le choix de Mahorais de rester français, choix exprimé une première fois en 1974 lors du référendum d’autodétermination organisé sous l’égide de l’ONU pour les quatre îles de l’Archipel des Comores. Le résultat global en avait été massivement indépendantiste (94,5 %), mais si le oui l’avait emporté à plus de 99 % à Grande Comore, Mohéli et Anjouan, le non résistait à 63 % à Mayotte. Le droit international affirmait l’intangibilité des frontières de l’archipel mais les Mahorais ont alors fait valoir leur histoire singulière, différente des îles sœurs : les femmes conduites par Zéna M’Déré et le mouvement dit des “chatouilleuses“ ont milité activement pour le rattachement définitif de Mayotte à la République française et Paris a répondu en dotant Mayotte d’un statut particulier. Un dernier référendum mahorais en 2009 scellera le destin français du territoire et Nicolas Sarkozy annoncera alors la création du 101e département français. 

Dès 1974, le statut de Mayotte a été contesté par l’Union des Comores, l’Organisation des Nations unies et l’Union africaine au nom de l’intégrité territoriale de l’archipel. Depuis 1975, l’Union africaine considère ce territoire comme occupé par une puissance étrangère (Résolution 3385 du 12 novembre 1975 des Nations Unies). Face à cettesituation, les responsables politiques français n’ont pas toujours été unanimes : en 1986, Jacques Chirac, Premier ministre de cohabitation (et candidat à la présidentielle) en visite sur l’île soutenait le projet de départementalisation. Il était alors en désaccord avec François Mitterrand qui, un mois auparavant, lors d’un dîner d’État, avait regretté le maintien de Mayotte en France, s’opposant à ce qu’elle devienne un département français.

Lutte « sisyphéenne » contre la submersion migratoire

On connaît la suite. Submersion migratoire en provenance des Comores et du continent africain jointe à une natalité débordante. En 2016, Le département de Mayotte battait son propre record annuel avec près de 10.000 naissances (9.514 officiellement au centre hospitalier de Mayotte dans l’obligation d’augmenter ses capacités d’accueil). 

Si à l’échelle de la France, Mayotte est un territoire très pauvre et 77 % de la population sous le seuil de pauvreté, son PIB est 7 à 10 fois plus important que dans les îles voisines. D’où l’irrésistible force d’attraction de ce territoire français dans son environnement régional. Avec une particularité : les immigrés sont principalement des femmes dont la fécondité est deux fois plus importante que celles des Mahoraises. 

En 2020, un rapport du Défenseur des Droits, Jacques Toubon, conclut qu’ « à Mayotte plus qu’ailleurs, il existe un écart immense entre les droits consacrés et ceux effectivement exercés. Les droits fondamentaux – droit à l’éducation, à la sûreté, à la santé, à vivre dans des conditions décentes – n’y sont pas effectifs. Le manque d’infrastructures en matière de soins et d’éducation notamment, le coût de la vie, l’insécurité et les crises sociales qui ébranlent régulièrement l’île nuisent à son attractivité. Mayotte semble enfermée dans un cercle de misère dont elle ne parvient pas à s’extraire ». Avec un avertissement : « la lutte contre l’immigration irrégulière risque de creuser les clivages et d’attiser les tensions sociales et, contrairement à ce qu’elle pourrait laisser croire, cette chasse d’allure sisyphéenne ne diminue pas la part des étrangers peuplant l’île. »

La Cour des comptes a aussi tiré le signal d’alarme. En 2016, son Premier président, Didier Migaud, faisait part de ses inquiétudes quant à la capacité du 101ème département français, « très différent des autres départements et régions d’outre-mer », de rentrer dans le droit commun. Selon Didier Migaud, « Outre l’explosion démographique et un taux de chômage très élevé (36,6 %), le PIB par habitant ne s’élève qu’à 7.900 euros, contre 31.500 euros au niveau national, les opportunités de développement économique sont rares » si on excepte l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi et le port de Longoni. La Cour estime aussi que « la départementalisation aurait nécessité d’être mieux préparée et pilotée » avec une administration départementale aux effectifs pléthoriques, davantage consacrés à son fonctionnement qu’à ses missions. George Pau-Langevin, alors ministre des outre-mer, répliquait alors que le plan « Mayotte 2025 » du gouvernement de Manuel Valls était à la hauteur « pour permettre à Mayotte de répondre aux défis considérables qui se posent pour qu’elle puisse devenir un département comme les autres ». Hélas, nous voici en 2025 et le rattrapage annoncé n’a jamais été à la hauteur des annonces parisiennes et du défi démographique local.

De crise en crise, le spectre d’une dérive « haïtienne »

Résultat : les équipements scolaires sont insuffisants. Les écoles primaires battent des records de densité d’élèves. Pour faire face on organise des rotations de classe, il y a les élèves du matin de 7h à 12h15 et ceux de 12h à 17h45 qui se partagent les mêmes salles de classe. En 2018, la ministre des outre-mer Annick Girardin déclarait que « pour être au rendez-vous, il nous faudrait créer une classe par jour » et Ibrahim-Amedi Boinahery, alors président de l’Association des maires de Mayotte avertissait « Les établissements sont surchargés et ce sont des poudrières ».

Mayotte avance de crise en crise. La pénurie d’eau due à la sécheresse et à des infrastructures sous-dimensionnées entraîne des mesures de rationnement. Cette crise a commencé en 2016, accentuée par la surpopulation, la déforestation incontrôlée. Lors du dernier congrès des maires en novembre 2024, Ibrahim Aboubakar, directeur général des services du syndicat Les Eaux de Mayotte, expliquait qu’ « en 2023, l’aggravation de la situation a conduit à des privations d’eau de la population allant jusqu’à 54 heures par semaine, c’est-à-dire deux jours et demi par semaine. 30% des personnes vivant sur le territoire, pour des raisons diverses et variées, ne sont pas raccordées au réseau d’eau. »

À la veille du cyclone, des solutions étaient envisagées avec un mix hydrique, forage, retenues collinaires, et dessalement. Le gouvernement avait même validé une deuxième usine de dessalement mais cela fait débat. Le lagon, trésor de biodiversité, est classé dans un parc naturel marin à haute valeur environnementale et aux enjeux de multiples usages (pêche, trafic maritime, activités de loisirs…). Installer une usine de dessalement dans une zone fermée constitue un énorme risque à cause des rejets massifs de saumure dans le lagon. Par ailleurs, dessalement industriel est très gourmand en énergie et Mayotte n’a pas aujourd’hui la capacité électrique de produire cette eau dessalée. L’électricité à Mayotte est constituée à 95 % d’électricité produite par des moteurs Diesel ; la part d’énergies renouvelables est de 5 %, (chiffre stable depuis 2013). « L’eau produite sera hors de prix, dans un territoire où 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté », prévient la députée Estelle Youssouffa.

Crise sécuritaire aussi qui fait craindre que, demain, Mayotte soit comparable à Haïti après le tremblement de terre de 2010. La violence est attisée par les dakous, bandes de jeunes délinquants déscolarisés qui volent et n’hésitent pas à caillasser les véhicules des gendarmes et à terroriser la population. « Mayotte est devenue un territoire de peur, de traumatisme et de deuil », constatait Madi Madi Souf, maire de Pamandzi et président de l’association des maires de Mayotte en octobre 2022, déplorant des « agressions de bandes de délinquants, souvent mineurs, qui sèment la terreur en toute impunité. Mayotte, avec plus de cinq homicides par an pour 100 000 habitants, a le triste record des assassinats en Europe ».

Depuis 2022, des bus scolaires, les véhicules transportant le personnel soignant et même les centres de santé sont régulièrement pris pour cibles. Dès la tombée de la nuit, un couvre-feu tacite s’impose sur l’ensemble du territoire.  Début 2024, le taux d’occupation de l’unique centre pénitentiaire de Mayotte était de 245 % (contre 119 % en moyenne française). En septembre, il a fallu l’intervention du GIGN pour mâter une émeute. Et la situation des centres de rétention n’est guère meilleure.

Les Comores font la sourde oreille à la reprise des clandestins car les Comoriens se disent chez eux à Mayotte. En 2018, le président Azali Assoumani déclarait que pour lui un Comorien n’est pas en terre étrangère à Mayotte : « Il n’y a pas de Comoriens illégaux à Mayotte. Il y a un problème de fond. Je n’accepte pas qu’un Comorien à Mayotte soit refoulé en tant qu’étranger ». 

Mayotte, zone franche

Les problèmes de Mayotte sont-ils solubles dans le programme de refondation annoncée par Paris ? Le nouveau ministre des outre-mer, Manuel Valls assure : « Nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville ». Pourtant, l’habitat en bois sous tôle a déjà été reconstitué sans attendre la reconstruction officielle promise par Paris et on se souvient de l’échec des opérations d’éradication « Wuambushu » de l’ancien ministre de l’intérieur Gérald Darmanin. D’autant qu’il n’y a pas eu d’offre alternative. En 2023, on a livré 113 logements sociaux sur le territoire.

Le plan « Mayotte debout » annoncé par le Premier ministre François Bayrou prévoit que Mayotte devienne « zone franche globale exemptant toutes les entreprises pour une durée de cinq ans, pour relancer une économie sinistrée et passer d’une économie souterraine à une économie déclarée ». Concrétisé par un projet de loi adopté dès le 8 janvier, il sera assurément voté dans un élan unanime des élus de la Nation. Mais ne s’agit-il pas davantage d’un amortisseur social que d’un levier de développement ? 

Cette notion de zone franche est emblématique dans l’océan Indien. C’est la création d’une vaste zone franche, sur le modèle singapourien, qui a permis le décollage économique de l’île Maurice dans les années 1980. Encore faut-il réunir les conditions du développement. Les entreprises mahoraises bénéficiaient déjà d’allégements de charge sans réels effets sur le développement économique du territoire et Mayotte n’est pas actuellement en capacité d’accueillir des investisseurs internationaux pour exporter.

Économie informelle, surpoids de l’emploi public, la situation de Mayotte ne la prédispose pas à l’agilité économique. Certes, depuis 2014, la France a obtenu pour Mayotte un statut de région ultra périphérique (RUP) de l’Union Européenne et bénéficie des fonds européens structurels et d’investissement mais cela ne suffit pas. Mayotte a une économie de comptoir avec des importateurs distributeurs en situation de monopole. La quasi-totalité des biens disponibles à Mayotte sont importés. Les prix sont encore plus élevés que dans les autres départements d’outre-mer, notamment à cause des sur-rémunérations de fonctionnaires qui déstabilisent l’économie locale. 

Mayotte « bénéficie » d’une armature administrative hors-pair. Pour paraphraser une publicité automobile, « elle a tout d’une grande ». Dotée des compétences départementales et régionales, Mayotte dispose de tous les services de l’État déconcentrés : Rectorat, Agence régionale de santé, Direction territoriale de la police nationale (DTPN), Commandement de gendarmerie, tribunaux administratif et judiciaire, Direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer, Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, Direction régionale des finances publiques, Direction des affaires culturelles, Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, Centre universitaire de formation et de recherche.

Cette structuration publique est-elle un frein ou un levier pour refonder durablement Mayotte ? L’État ne peut pas tout. Il faut que les acteurs économiques mahorais portent eux-mêmes le développement de leur territoire. Hélas, beaucoup des jeunes Mahorais les mieux formés préfèrent travailler en métropole ou à la Réunion et devenir fonctionnaires. 

Les femmes mahoraises seront-elles l’avenir de Mayotte ? Parmi les diplômés âgés de 20 à 29 ans, elles sont désormais majoritaires. C’est à cette génération de femmes de donner raison à leurs devancières « Les Chatouilleuses » qui se sont battues que Mayotte reste française et de gérer l’héritage. Elles doivent être conscientes que le salut socio-économique de Mayotte ne viendra pas durablement des transferts de la Métropole et de l’emploi public. Les zones franches nécessitent un affranchissement des esprits. À cette génération de femmes mahoraises bien formées d’écrire une nouvelle page d’histoire en prenant le pouvoir et en inventant un modèle de développement, adapté au contexte géographique, économique et culturel.

La grande pitié des églises de France

L’arbre de la restauration de Notre-Dame ne doit pas cacher la forêt de la misère des églises de France. L’Observatoire du patrimoine religieux a recensé 74.100 édifices religieux, essentiellement catholiques. Plus de 42.000 églises sont ouvertes au culte, réparties dans les 35.000 communes de l’Hexagone et des outre-mer. Tout le territoire national est concerné. On compte seulement moins de 650 communes sans église[1]. Seulement 15.000 édifices religieux bénéficient d’une protection au titre des monuments historiques et peuvent avoir accès aux financements d’État, hélas pas toujours suffisants pour faire face aux travaux nécessaires à leur réhabilitation. Les autres édifices, notamment les églises communales non classées ou inscrites aux monuments historiques, ne peuvent compter que sur le budget de leur commune et sur la générosité publique.

Quel est l’état de ce patrimoine religieux ? La grande majorité des églises sont mal entretenues et surtout souffrent d’un entretien irrégulier. C’est d’abord une question de moyens pour les communes dont l’immense majorité sont des communes rurales ; en France, plus de 90 % des communes ont moins de 3 500 habitants (plus d’un tiers de la population vit dans ces communes rurales, un autre tiers vit dans des communes de 10 000 à 50 000 habitants ; 45 communes seulement ont plus de 100 000 habitants et représente environ 15 % de la population). C’est ensuite, un choix entre des priorités ; faute d’entretien permanent quand un chantier de restauration s’impose, il coûte en moyenne 1,5 million d’euros, de quoi dégager des moyens pour réaménager la voirie communale ou se doter d’une piscine municipale. Enfin, la chute de la pratique religieuse jointe aux très faibles périodes d’utilisation cultuelle n’incite guère les élus locaux à arbitrer en faveur de ces édifices.

La grande pitié, selon Maurice Barrès

Plusieurs rapports parlementaires récents ont décrit la situation précaire, voire alarmante du patrimoine religieux. C’est toujours la même misère des églises de France, celle que Maurice Barrès appela au début des années 1900 La grande pitié des églises de France, titre d’un livre[2] qui résumait son combat, au lendemain de la loi de 1905, pour la défense du patrimoine religieux en péril. 

Barrès marchait dans les pas de Victor Hugo qui, jeune écrivain, avait déjà dénoncé en 1832, l’abandon et la destruction des monuments religieux dans un plaidoyer ardent, Guerre aux démolisseurs[3]. Barrès batailla, prit à témoin l’opinion publique dans une longue campagne de presse et, député de Paris, porta le fer dans les débats parlementaires. Il conclut un de ses grands discours au Palais-Bourbon par cette formule : « L’église n’est pas un bibelot. Elle est une âme qui contribue à faire des âmes. » Barrès trouva à la Chambre un allié inattendu, Marcel Sembat, alors député socialiste de la Seine. Le combat de Maurice Barrès porta des fruits. En 1905, seulement 909 églises étaient protégées car classées monuments historiques[4] et de 1906 à 1914, 2.080 édifices supplémentaires, essentiellement religieux, furent classés. Le 10 juillet 1914, trois semaines avant le déclenchement de la Grande Guerre, la Caisse des monuments historiques était créée.  

Barrès a su mobiliser l’opinion publique et les élus de la République pour la préservation des édifices religieux. Il plaidait pour la préservation de l’ensemble du patrimoine, pas seulement de quelques spécimens les plus beaux. Aujourd’hui, le problème reste entier comme on a pu le constater quand l’ancienne ministre de la culture, Roselyne Bachelot, lors de la promotion de son livre 682 jours[5], qui retrace ses deux années au ministère de la culture, laissa entendre que certaines églises françaises du XIXe siècle n’avaient pas un « grand intérêt » et pourraient être détruites. Son propos déclencha de vives réactions, même si elle avait pris soin d’écrire que « la protection du patrimoine est sans doute un des enjeux citoyens les plus périlleux qui nous guettent car elle touche à notre histoire personnelle intime et à l’idée que nous nous faisons de notre roman national et de notre destin collectif ». Touche pas à mon église ! Les Français entendent rester à l’abri de leur clocher.

La gestion publique des églises n’est pas un long fleuve tranquille. Le débat, voire la polémique, dans la France laïque du XXIe siècle n’oppose plus cléricaux et anticléricaux. Il porte sur les budgets de restauration et la protection des œuvres, sur les conditions d’utilisation des églises à des fins culturelles. Des controverses apparaissent sur de nouveaux usages ou lors de ventes et transformations d’églises qui ont perdu leur destination cultuelle, leur dimension sacrée diraient certains, ce qui nous oblige à réfléchir sur la définition de ce mot et sur notre rapport au sacré.

Patrimoine cultuel ou culturel dans une société post-chrétienne 

L’onde de choc de l’incendie de Notre-Dame de Paris en avril 2019 a montré que l’engouement des Français pour le patrimoine religieux, essentiellement catholique, ne se limitait pas aux seuls chrétiens, pratiquants ou non. « À la fois composante structurelle des paysages et de l’identité des territoires et élément de mémoire de la communauté locale, ce patrimoine est un point de repère dans l’espace et dans le temps. Il s’agit donc d’un véritable bien commun, visible et accessible par tous, dont la valeur n’est pas seulement spirituelle, mais aussi historique, culturelle, artistique et architecturale. Sa valeur repose aussi sur l’usage qui en est fait. Il possède une dimension fédératrice », écrivent deux sénateurs, Pierre Ouzoulias, élu communiste des Hauts-de-Seine, ancien conservateur du patrimoine au ministère de la Culture et Anne Ventalon, élue apparentée Les Républicains de l’Ardèche, auteurs en 2022 d’un rapport sur l’état du patrimoine religieux[6].

Aujourd’hui, les catholiques pratiquants du dimanche représentent selon différentes enquêtes entre 2 à 6 % de la population. Pour Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion à l’institut Ifop, « nous assistons désormais à l’achèvement de ce long processus. La matrice, qui a profondément structuré la société française, connaît sa dislocation finale. Cela marque la fin du duopole, dont la tension organisait la société, constituée du catholicisme d’un côté et de la matrice républicano-laïque de l’autre. Nous assistons à l’émergence d’un nouveau monde. Cette rupture historique, en seulement une à deux générations, est vertigineuse car nous devons désormais penser l’avenir en dehors de ce schéma structurant ».

Dans un livre prophétique, au tournant du millénaire, Mgr Hippolyte Simon, alors évêque de Clermont-Ferrand, annonçait : « Il faut se préparer à vivre durablement dans un pays très largement pluraliste du point de vue religieux[7] ».  Un constat sans appel : En 1961, 92 % des Français étaient baptisés ; en 2012, c’est encore vrai pour 89 % d’entre eux, mais ce sont les plus de cinquante ans. En 1961, 25 % des baptisés allaient à la messe chaque dimanche ; en 2012, 5 %. Seulement. Les Français de moins de trente ans sont, dans leur majorité, nés en dehors du catholicisme. « Ainsi aura-t-il suffi de deux générations pour en finir – du moins, encore une fois, si rien ne change – avec une tradition plus que millénaire », concluait l’évêque en s’interrogeant : « Que deviendra notre culture, s’il est vrai qu’elle a été façonnée par quinze siècles de christianisme ? Que deviendront, en particulier, les idées – centrales – concernant l’unité du genre humain et la transcendance des personnes, qui font partie du cœur même de la révélation judéo-chrétienne ? »

La sécularisation des sociétés occidentales est accomplie, sécularisation dont Marcel Gauchet livre la définition suivante : « un monde fonctionnant entièrement en dehors du religieux comme principe régulateur, et où la croyance, de ce fait, devient une option privée parmi d’autres ». 

Des déserts religieux comme les déserts médicaux

La chute générale de la pratique religieuse dominicale parmi les catholiques se cumule dans les communes rurales avec le vieillissement de la population et la diminution du nombre d’habitants. Les bancs des églises restent vides pour la messe si toutefois il reste un prêtre pour la célébrer. Comme il y a en France des déserts médicaux, il y a des déserts religieux. Ici, ce ne sont pas les médecins qui ont disparu mais les curés qui étaient en charge depuis des millénaires de la santé des âmes. Exemple concret de l’extinction de cette civilisation paroissiale : quand Mgr Jean-Paul James a succédé au cardinal Jean-Pierre Ricard comme archevêque de Bordeaux en 2020, ce diocèse, recouvrant le territoire du département de la Gironde (1,5 million d’habitants), comptait 593 paroisses et encore 230 prêtres dont près de la moitié avaient plus de 75 ans. Dans ce diocèse, les prêtres de moins de 40 ans sont seulement une petite trentaine. Sachant qu’il y a en moyenne une ordination par an, on peut calculer qu’il aura dans vingt ans moins de cinquante prêtres pour les paroisses de Gironde. Le séminaire de Bordeaux a d’ailleurs fermé ses portes en septembre 2019 ; les rares séminaristes sont désormais regroupés à Toulouse.

À l’image de la République qui a créé des intercommunalités et incite aux fusions de communes en « communes nouvelles » (34 945 communes au 1er janvier 2023), l’Église de France ne cesse de se réorganiser depuis cinquante ans. Dans la terminologie de l’Église de France, on appelle cela le renouveau paroissial, doux euphémisme pour cacher un krach général en nombre de pratiquants et de prêtres.

Toutefois, si la pratique régulière a chuté, une forte majorité de Français veulent encore pousser la porte des églises pour les grands événements personnels, familiaux, mariages et enterrements, ou collectifs, messes de minuit, fêtes votives, pèlerinages, ostensions de reliques, qui alimentent une piété populaire qui connaît de nouvelles expressions. « La hausse de la désaffiliation religieuse ne correspond pas forcément à une hausse de l’athéisme et de l’incroyance, estime Guillaume Cuchet, le devenir de ces désaffiliés, qui continuent d’être traversés par des questions spirituelles, constitue d’ailleurs une inconnue fondamentale[8]. » Aujourd’hui, dans notre pays, ce rapport au religieux ne se fait pas au seul bénéfice de l’Église catholique. Dès lors peut-on imaginer de nouveaux usages partagés avec d’autres églises chrétiennes, d’autres rites et mouvances spirituelles, dans les églises dont, jusqu’à aujourd’hui, la loi de 1905 a donné le monopole au clergé affectataire ? 

L’avenir des églises de France ne dépend pas seulement des seuls fidèles pratiquants. D’ailleurs, l’histoire montre que les grands ancêtres qui ont sauvé le patrimoine religieux depuis près de deux siècles, les Prosper Mérimée, Victor Hugo ou Maurice Barrès, n’étaient pas catholiques pratiquants. On observe aussi au fil du temps un catholicisme patrimonial, forme particulière du catholicisme identitaire qui n’est pas nouveau. 

Paradoxe, quand il s’agit de fermer une église ou de la vendre, les catholiques pratiquants sont beaucoup plus détachés que les non pratiquants. Ces derniers ont un rapport plus fort au sacré du lieu que les premiers dont la foi n’est pas assignée à résidence. Dans la France de tradition catholique, cette évolution heurte les habitants concernés par de tels projets. Que faire des églises désaffectées dont l’entretien pèse lourd dans les budgets communaux ? Paradoxalement, en confiant la propriété des églises et chapelles aux communes, la loi de Séparation de 1905 a contribué à la sauvegarde de ce patrimoine. L’Église n’aurait jamais pu entretenir et restaurer ces bâtiments historiques sur ses fonds propres et d’aucuns trouvent d’ailleurs que la situation de simple affectataire est confortable. Dans les pays où l’Église est propriétaire des églises, on a moins d’état d’âme à les fermer et à les vendre. Finalement, la laïcité à la française a créé une exigence réciproque entre les autorités civiles et religieuses, une obligation de dialogue et de réponses concrètes sous l’œil attentif de la population, fidèles catholiques plus ou moins pratiquants, comme pour ceux qui ne vont pas à la messe mais veulent garder « l’église au milieu du village ». 

Le signe et la trace.

Le sort des églises qui restent ouvertes au culte invite aussi à de nouveaux usages culturels : concerts, expositions, parcours touristiques et historiques. Les églises de France ne sont pas des bâtiments vides. En dehors du patrimoine bâti, les statues, tableaux, tapisseries, grandes-orgues, et autres objets mobiliers enrichissent ce patrimoine. Le ministère de la culture estime que plus de 80 % des 300 000 objets mobiliers classés ou inscrits au titre des monuments historiques sont des objets religieux, généralement conservés dans les églises paroissiales. Ce qui fait dire à l’association La Sauvegarde de l’Art Français que les églises sont « le plus grand musée de France », thème d’une campagne de fonds pour la restauration d’œuvres d’art.

Toutefois la crainte des vols et d’actes de vandalisme entraîne la fermeture d’un grand nombre d’églises en dehors des moments de célébration. Comment sécuriser les édifices cultuels ? Les curés sont souvent réticents à l’installation de caméras de vidéosurveillance dans leur église, qu’ils estiment en contradiction avec les valeurs d’accueil inconditionnel et de confidentialité liées à l’espace religieux.

En ville, les églises restent des lieux ouverts à tous, des oasis de silence dans l’agitation urbaine, mais ces ERP (établissements recevant du public) d’un genre particulier doivent se conformer à des normes de sécurité, alarmes incendie, issues de secours… 

Derrière l’épaisseur de leurs murs souvent millénaires, les églises restent des lieux d’asile. Ce sont des asiles d’un genre inédit quand, dérèglement climatique oblige, des curés veulent en faire des « îlots de fraîcheur » lors des canicules estivales en accueillant des personnes âgées vulnérables auxquelles sont proposées des activités récréatives. Ce sont aussi des lieux d’asile plus classiques qu’on croyait oubliés où l’Église exerce son devoir d’hospitalité. En décembre 2023, l’église du Saint-Sacrement située dans le 3ème arrondissement de Lyon accueillait chaque soir une cinquantaine de jeunes migrants isolés qui campait dehors depuis des mois. L’église reste au milieu du village ou du quartier, témoin et actrice de la vie sociale, de ses transformations. 

La chute de l’affiliation religieuse ne doit pas être assimilée à un effondrement de l’aspiration spirituelle qui est une dimension essentielle de l’être humain. La religion n’en est que l’expression sociale. Mais aujourd’hui l’élan spirituel s’exprime plus souvent hors du cadre religieux. Beaucoup de nos contemporains n’ont bénéficié d’aucun éveil spirituel. Les discours dominants de notre société sécularisée ont coupé les ponts avec l’intime et le mystère de la vie. Aujourd’hui des chercheurs de Dieu sans culture religieuse visitent les églises sans en avoir la moindre compréhension, seulement une émotion qui demande à être accompagnée. Les conservateurs de musée expliquent qu’il faut décrypter les grands tableaux d’art sacré chrétien comme des œuvres exotiques aux références inconnues. La référence d’aujourd’hui, c’est davantage Game of thronesque la décollation de Jean-Baptiste. En visitant une église, les visiteurs découvrent un univers certes visible mais illisible pour eux. Victor Hugo comparaît Notre-Dame de Paris à un grand livre de Pierre. Les églises de France constituent donc une immense bibliothèque spirituelle mais nous sommes devenus des illettrés et devons réapprendre ensemble à lire, et surtout apprendre à écrire le récit d’une nouvelle aventure de la vie retrouvée dans toutes ses dimensions.

La situation des églises de France témoigne d’un passé qui ne passe pas, d’un présent fragile, complexe et d’un futur qui appelle une fidélité à ce patrimoine. Le blanc manteau d’églises du moine Glaber est toujours là. Signe et trace. La trace, pierre vivante ou pierre morte que la vie a quitté mais qui reste encore visible ou quelque chose à suivre à la trace, qui montre une piste, un chemin ? Une empreinte du sacré ? Quelque chose qui vient de loin. Dans le dernier texte qu’il a écrit, Antoine de Saint-Exupéry lançait un appel qu’il nous faut entendre aujourd’hui, plus que jamais : « il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles, faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. On ne peut vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés, voyez-vous[9]. »


[1] C’est le cas de communes marquées par le protestantisme près des frontières suisse et allemande, ou dans le Dauphiné. D’autres ont perdu leur église démolie au XIXème siècle parce que trop vétuste. Parmi ces 650 communes, 600 ont moins de 500 habitants.

[2] Maurice Barrès, La grande pitié des églises de France (première édition chez Émile-Paul frères, en 1914, édition définitive, Plon 1925). Texte introduit et établi par Michel Leymarie et Michela Passini, Presses Universitaires du Septentrion, 2012.

[3] « Victor Hugo en colère. Contre les démolisseurs, pour le patrimoine : le premier plaidoyer pour Notre-Dame et la sauvegarde des monuments », Éditions de la Revue des Deux Mondes, 2019.

[4] On compte, à la Séparation, 36.582 églises et chapelles paroissiales et 6.900 chapelles de secours : Jean-Michel Leniaud, Les archipels du passé. Le patrimoine et son passé, Fayard 2002, Cf. également Jean Aubert, « La Séparation des Églises et de l’État et ses conséquences sur les collections publiques », dans Les dépôts de l’État au XIXe siècle, cité par Michel Leymarie et Michela Passini en introduction de l’édition La grande pitié des églises de France, op.cit.

[5] Roselyne Bachelot, 682 jours, le bal des hypocrites, Plon 2023.

[6] Rapport du Sénat au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication par la mission d’information relative à l’état du patrimoine religieux, par M. Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon, juillet 2022.

[7] Hippolyte Simon, Vers une France païenne. Éditions du Cerf 1999, 2ème édition 2019 avec une préface de François Taillandier

[8] Guillaume Cuchet, opcit.

[9] Antoine de Saint-Exupéry, « Lettre au général “X“ » écrite à La Marsa, près de Tunis, en juillet 1943, in Un sens à la vie, Gallimard, 1956.

La hiérarchie des métiers territoriaux renversée par l’intelligence artificielle

(Article paru dans la lettre d’information Confinews de mai 2024)

C’est une étude passionnante sur l’impact de l’intelligence artificielle (I.A.) générative sur le personnel des collectivités territoriales qui vient de paraître. Dans le cadre d’un projet collectif à la Ville de Lyon portant sur les enjeux de l’I.A., des élèves de l’INET (Institut national d’études territoriales) ont produit une cartographie des métiers concernés par cette évolution. Leur cartographie est fondée sur la méthodologie de l’Organisation mondiale du travail (O.M.T.) faisant référence aujourd’hui pour analyser les effets de l’I.A. sur les ressources humaines.

Près la moitié des postes de la commune sont concernés par des évolutions potentielles induites par l’I.A. générative. La cartographie montre qu’au moins 25 % des tâches des métiers exercés par les agents peuvent être effectuées, en totalité́ ou en partie, par l’I.A. générative. Les filières administrative (plus de 70 % concernées et très concernées) et culturelle (près de 60 %) sont les plus impactées. Rien d’étonnant car cela correspond à la capacité́ de l’I.A. générative pour effectuer des tâches de métiers de bureau ou de création, plutôt que des tâches manuelles. Le nombre d’agents dans tous les services ressources et administration est appelé à fortement diminuer. 

Le changement à venir risque d’avoir l’effet d’une tornade dans les services financiers, la commande publique, la gestion de l’état civil, les directions des ressources humaines, et tous les emplois de bureau. L’arrivée de l’I.A. générative est une révolution par rapport à laquelle la généralisation de l’informatique dans les années 1990 laissera le souvenir d’une aimable réformette.

Faut-il avoir peur de ce grand remplacement par la machine ? Quelles fonctions occuperont demain les agents communaux ? Même si de plus en plus de tâches peuvent être automatisées, les métiers de services et d’exécution seront les grands gagnants de la révolution de l’I.A.. Cela tombe bien car on a besoin de recruter dans ces secteurs : métiers de l’aide à la personne, de la crèche à l’EHPAD, restauration, métiers des espaces publics, jardiniers, voirie. Tous ceux qui prennent soin des autres et de notre environnement. Tant de métiers « naturellement humains » qui n’étaient jugés « essentiels » que le temps d’une crise sanitaire, mais qui pourraient bien demain être mieux reconnus car irremplaçables. 

Pour télécharger l’étude : https://inet.cnfpt.fr/sites/default/files/2024-04/Cartographie_metiers_concernes_IA.pdf