Il faut écouter les géographes, surtout quand ils s’intéressent à la politique. J’étais il y a quelques jours, à Lille, avec Jean-Louis Guigou pour un débat sur la réforme territoriale, organisé à l’initiative de KPMG Secteur public, qui réunissait 250 responsables publics et acteurs économiques de la région. Tout le monde se souvient du grand Délégué à l’aménagement du territoire qu’a été Jean-Louis Guigou quand il était à la tête de la Datar, initiant avant les autres le développement numérique des territoires, insufflant du développement autour de contrats métropolitains, encourageant les districts industriels qui allaient devenir les pôles de compétitivité.
Jean-Louis Guigou est un géographe qui a l’intelligence des territoires. Selon lui, la décentralisation ne marchera que si on développe la péréquation entre les territoires, au nom de l’égalité. L’égalité est au cœur d’un contrat caché entre les Français.
Ce contrat caché dont parle Jean-Louis Guigou, comme le contrat invisible qu’a bien décrit Jean-Luc Fallou pour le management des entreprises, fédère les gens autour de valeurs acceptées. C’est un contrat implicite, pas forcément conscient mais qui dans une entreprise fait qu’on adhère aux valeurs du management et qu’on est prêt à se surpasser en fonction de ce contrat. Pour l’ancien patron de la Datar, dans une nation, il y a aussi un contrat caché. Aux Etats-Unis, ce contrat caché porte sur la liberté, et Obama en fait les frais avec sa loi sur l’assurance santé car il touche au fondement de la société américaine. « Le contrat caché entre les Français, c’est l’égalité parce que nous sommes un grand pays, relativement dépeuplé, et pour tenir toutes ces tribus, le ciment, c’est l’égalité, la res publica avec l’Etat centralisé », explique Jean-Louis Guigou, « paradoxalement, si la décentralisation avance, et elle avance car c’est un phénomène inévitable, les territoires riches vont continuer à s’enrichir, d’autres espaces vont s’appauvrir et le processus sera très rapide. Les Français ne l’accepteront pas. Même si ils ne le disent pas clairement, les Français exigent la péréquation. » Au nom de l’égalité.