A-t-on bien mesuré les effets de la calamiteuse affaire de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 ? Comme avec l’affaire du sang contaminé qui a traumatisé les décideurs publics et a contribué vingt ans plus tard à l’inscription dans le préambule de notre Constitution du principe de précaution, c’est encore sur un dossier sanitaire que se délite le contrat de confiance entre les citoyens et leurs dirigeants.
Depuis plus d’un siècle, au pays de Louis Pasteur, la prophylaxie et les politiques publiques d’éradication des grandes maladies faisaient consensus. Depuis les premières vaccinations contre la rage jusqu’à la victoire massive contre la tuberculose, de la lutte contre la variole qui a aujourd’hui complètement disparu à la poliomyélite inconnu des jeunes générations, le corps médical et le corps social éprouvaient dans un même élan une légitime fierté. Au premier coup de sifflet, on faisait la queue devant le bureau de vaccination. Toute cette belle construction hygiéniste, cette Tour Eiffel sanitaire illuminant le monde, si française, vient de s’effondrer et de succomber à une mauvaise grippe.
On n’a pas encore pris conscience des dégâts et tiré les leçons de cette triste affaire. Il y a pourtant des enseignements à retenir qui doivent servir pour la mise en œuvre de toutes les politiques publiques désormais : il faut associer le plus tôt possible les citoyens, les corps intermédiaires et les relais d’opinion à la décision. Le ministère de la Santé a voulu géré la crise seul, sans les acteurs de son secteur, voire contre eux, personnels hospitaliers convoqués pour la piqure et réquisitionnés pour astreinte sans explication, médecins libéraux, essentiels relais d’opinion court-circuités et écartés de la chaîne de décision. Tous ces acteurs essentiels qui auraient dû être le bras armé des pouvoirs publics se sont mutinés. Ajoutez à cela une lourde communication institutionnelle gouvernementale toujours en retard d’une guerre à chaque nouveau message télévisuel, des médias traditionnels démonétisés qui essayaient de jouer sur l’émotion et la peur quand Internet menait une guérilla incessante, faisant flèche de tout bois, accusant même les pouvoirs publics de collusion avec les laboratoires. Désormais, le mal est fait, le charme est rompu. Bye bye Pasteur.