Modernisation de l’action publique : « faire vivre le principe de mutabilité »

 

Etrange fonctionnement de la caisse de résonance médiatique, l’actualité politique de cette semaine reste dominée par l’exil fiscal de Gérard Depardieu, la réconciliation Copé-Fillon, le désamour Ayrault-Montebourg et d’autres péripéties peopolisées. L’événement politique le plus important pour notre démocratie, pour l’efficacité de l’Etat, pour 6 millions d’agents publics et pour 65 millions de contribuables-usagers-électeurs-citoyens est presque passé sous silence. Il faut lire (ou entendre) la déclaration du Premier ministre Jean-Marc Ayrault prononcée mardi 18 décembre, à l’issue du premier Conseil interministériel de la modernisation de l’action publique (CIMAP) qui ouvre une des plus gros chantiers du quinquennat. Il y a du souffle et de l’ambition dans ce discours d’un Premier ministre qu’on dit démonétisé dans les sondages mais qui a du mal à se faire entendre sur des thèmes aussi cruciaux que la modernisation de l’action publique. Jean-Marc Ayrault pourra méditer la formule de Saint François de Sales : « le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit. »

« La ressource financière est contrainte, il n’est plus possible que notre pays continue de se payer le luxe de la dispersion des moyens ou de politiques publiques qui n’atteignent même pas leur but », a déclaré le Premier ministre qui veut « faire vivre le principe de mutabilité du service public ». Tous les acteurs publics connaissent les « lois de Rolland » qui énoncent les trois principes sur lesquels repose le fonctionnement du service public : continuité, mutabilité et égalité. La mutabilité est un principe du droit français permettant de modifier le régime de tout service public en fonction de l’intérêt général. Toutes les politiques publiques vont donc faire l’objet d’une évaluation pour en vérifier la pertinence et l’efficacité. Dès 2013, trois cycles d’évaluation sont programmés qui concernent des domaines  tels que les politiques territoriales contre l’exclusion, ou les aides aux entreprises ou au spectacle vivant. Le Premier ministre a cité les chiffres de 7.000 aides aux entreprises pour un montant de 80 milliards d’argent public. « Est-ce efficace et encourageant ? », s’interroge-t-il naïvement. Les frais de gestion de certains dispositifs atteignent parfois 25 %. « La France consacre à sa politique du logement deux fois plus que les autres pays de l’OCDE sans résoudre la crise du mal-logement, c’est qu’il y a bien un problème », constate Jean-Marc Ayrault dans des formules que ne désavoueraient pas les commentateurs libéraux. Mais il prend soin aussitôt de prendre les fonctionnaires à témoin de la mutation à opérer pour « construire un nouveau modèle français ». Il promet que l’ensemble des travaux sera conduit avec l’ensemble des partenaires de l’État, notamment les associations représentant les collectivités territoriales et les partenaires sociaux. Le Parlement sera étroitement associé aux travaux. Il s’agit de ne pas reproduire les erreurs de mise en œuvre de la RGPP : la démarche s’appuiera sur une concertation étroite avec les syndicats de fonctionnaires. Marylise Lebranchu est à la manœuvre, le dialogue social qui accompagnera la modernisation de l’action publique doit identifier « des priorités partagées pour améliorer les conditions de  travail, moderniser les pratiques d’encadrement, enrichir et diversifier les parcours professionnels des agents publics. »

Jean-Marc Ayrault peut-il réussir ? Il rappelle malicieusement que la dépense publique représente aujourd’hui 57 % de la richesse nationale alors qu’elle était de 52 % en 2007 et qu’en Suède dont on vante la qualité des politiques publiques, elle est de 51 %. Il souligne aussi que les 60 milliards d’économies exigées sur le quinquennat, 10 milliards par an, ne représentent qu’une baisse d’1 % de la dépense publique. Dans une tribune publiée par les Echos, Nathalie Kosciusko-Morizet lui répond qu’ « à titre de comparaison, un rapport remis au Premier ministre à la fin du mois de septembre a évalué à 12 milliards d’euros les économies générées grâce à la révision générale des politiques publiques qu’avait engagée Nicolas Sarkozy. Ainsi, pour financer leur frénésie dépensière et après avoir tant vilipendé la RGPP, les socialistes doivent désormais réaliser, chaque année d’ici à 2017, un effort similaire à celui que Nicolas Sarkozy a accompli en cinq ans ! »

Les évaluations peuvent commencer. Tous les ministères verront au moins l’une de leurs politiques publiques faire l’objet de travaux d’évaluation au cours de l’année 2013. Chaque ministre doit aussi élaborer, au premier trimestre 2013, un “programme de modernisation et de simplification”. Le CIMAP se réunira tous les trimestres. Rendez-vous dans trois mois : on jugera alors si les décisions prises au CIMAP de mars sont à la hauteur des déclarations de décembre.

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