L’investissement public, coûte que coûte

Tout faire pour éviter un décrochage de l’investissement public. C’est l’objet de la stratégie d’investissement dont le Premier ministre devrait présenter les principaux contours d’ici la fin du mois. Par ces temps de disette des finances publiques, l’État veut absolument éviter que les collectivités territoriales qui portent près des trois quarts de l’investissement public civil sacrifient l’investissement pour faire face à leurs dépenses de fonctionnement qui augmentent mécaniquement. La semaine dernière, à l’occasion d’un déplacement sur les investissements d’avenir à Bordeaux, le 10 janvier sur le site d’Aérocampus, Le Président de la République, François Hollande a lancé un appel aux collectivités locales : « l’investissement est une responsabilité de l’Etat pour définir les priorités, nos grands domaines d’excellence, mais ce sont les collectivités qui permettent sur tous les territoires que nous puissions atteindre une partie de ces objectifs. »

François Hollande : « plutôt que de jeter aux gémonies tel ou tel instrument, accompagnons les investisseurs publics, quels qu’ils soient pour qu’ils puissent trouver la bonne structure, le bon montage pour leurs projets. »

Alain Rousset,  président de l’Association des régions de France, président de la région Aquitaine, qui fustigeait très durement il y a quelques semaines les contrats de partenariats public-privé, était à côté de François Hollande quand le président a donné une leçon de pragmatisme en s’interrogeant sur « la concession ou le partenariat public privé : beaucoup a été dit sur ces instruments, ils sont soit encensés, soit décriés, c’est une tradition française d’être à ce point dans le binaire, il faudrait soit les abandonner en bloc parce qu’il y aurait du privé, soit les suivre aveuglément parce qu’il y  aurait du public. Gardons-nous de ces a priori.  Quand une concession de service public permet de réaliser le viaduc de Millau en trois ans au lieu de quinze, sans un euro d’argent public, pourquoi nous en priver ? Ma méthode en la matière est donc pragmatique, c’est de prendre le meilleur instrument et les PPP, c’est un instrument. »

Le président de la République sonne la mobilisation pour relancer l’investissement public. Dans son discours bordelais, il a aussi souligné que la France n’utilisent pas assez les fonds structurels européens et ne fait pas assez appel à la Banque européenne d’investissement (BEI) : « La BEI, ce sont les plus riches, Allemagne et Royaume-Uni, qui l’utilisent le plus.’ Le programme de modernisation universitaire britannique a été prioritairement financé avec la BEI, observe François Hollande.

Les priorités : transition énergétique des bâtiments, réseaux numériques, transports urbains et ferroviaires, concessions autoroutières, universités

Quelques domaines prioritaires d’investissement ont déjà été identifiés et cités par le président de la République dans son discours de Bordeaux : le logement (financement de la rénovation thermique et de la transition énergétique) ; le numérique (développement du très haut débit dans les villes avec création de quartiers numériques pour susciter et accompagner les start up) ; les transports (développement des transports publics urbains, modernisation de 1.000 km par an du réseau ferroviaire et autoroutes avec de nouvelles concessions) ; l’université avec la poursuite du Plan Campus revisité. François Hollande devra convaincre sa majorité que ces priorités constituent le bon choix. Que pense la ministre de l’Egalité des territoires du lancement de nouvelles concessions autoroutières ? Faudra-t-il rebaptiser et toiletter les contrats de partenariat PPP pour les rendre plus acceptables ?

Il faut répondre aux inquiétudes des professionnels dont les carnets de commande restent vierges en de début d’année. Le président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), Patrick Bernasconi, a exprimé ses craintes : « En 2013, l’activité des travaux publics pourrait reculer de 2,5% en volume et du côté de l’État, nous nous attendons à une baisse de 8% ». Les travaux publics ont réalisé près de 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2012, mais le président de la FNTP précise que « les investissements d’État périclitent, -13% ; les communes ont à peine maintenu leurs investissements alors que deux ans avant les élections, les chiffres devraient être en hausse ; les départements ont continué à réduire leur demande (elle est 23% plus basse qu’en 2008) ; et l’investissement privé est en baisse à -5%. »  Le marché des TP est sauvé par les grands chantiers : rénovation portée par les grands opérateurs ferroviaires et d’électricité, lancement de nouvelles lignes LGV, projets de tramways et autres transport en commun en site propre.

Il y a quelques jours, trois ministres, Arnaud Montebourg (redressement productif), Nicole Bricq (commerce extérieur) et  Frédéric Cuvillier (transports), ont fait le déplacement à Valenciennes, pour la première réunion du comité stratégique de la filière ferroviaire. Ils ont annoncé 5 à 6 milliards d’euros de commandes potentielles à l’horizon de 10 ans pour la filière industrielle ferroviaire. Un appel à projets a été lancé par le ministère des transports en direction des collectivités locales pour les projets de transports en commun en site propre, avec une enveloppe de 450 millions d’euros.

Ces appels à la mobilisation et les soutiens divers, financements dédiés ou fonds d’amorçage, suffiront-ils à faire repartir la machine ? L’Association des maires de France (AMF) rappelle que « les communes et communautés sont en pleine période de préparation budgétaire et doivent réaliser leurs arbitrages financiers dans un contexte économique de plus en plus difficile : baisse des recettes  (diminution annoncée des concours financiers de l’Etat aux collectivités, à partir de 2014, à hauteur de 750 millions d’euros par an, alors même que les marges de manœuvres fiscales se réduisent) ; augmentation des dépenses. »  Et de citer la hausse des cotisations retraite patronales, la révision indiciaire des agents de catégorie C, le relèvement des taux de TVA, inflation des normes imposées aux collectivités locales.

Le financement « vintage », modèle CAECL des années soixante-dix

À Bordeaux, le Président de la république a rappelé son engagement : « J’ai veillé à ce que la Caisse des dépôts puisse dégager une enveloppe de 20 milliards d’euros pour accompagner les collectivités locales et les hôpitaux ». Effectivement, lors du Congrès des maires de France, en novembre, François Hollande a annoncé une enveloppe de 5 milliards annuels sur quatre ans pour l’investissement public local. Cette enveloppe prend le relais des enveloppes d’urgence décidées par le gouvernement Fillon pour éviter le crédit crunch suite à la défaillance de Dexia. Dans les ministères, certains se contenteraient bien de la pérennisation de ces prêts administrés, financement « vintage », modèle CAECL des années soixante-dix. Ils oublient que, dans ce même discours du Congrès des maires, le président a donné son accord au lancement de l’Agence de financement des investissements locaux. On attend seulement son inscription à l’ordre du jour du Parlement. Un amendement gouvernemental au projet de loi bancaire que doivent examiner les députés dans quelques jours pourrait être enfin l’occasion de lancer cette agence.

Illustration : signature de l’accord conclu entre la Région Midi-Pyrénées et la Caisse des Dépôts et Consignations, en novembre dernier, pour la création d’un opérateur régional public d’investissement pour les énergies renouvelables. 

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