C’est une circulaire très astucieuse que Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, a adressée aux préfets sur l’application des nouvelles dispositions sur le mariage aux personnes de même sexe. Le texte est ferme dans la forme, il demande aux préfets de signaler au procureur de la République tout comportement d’un officier d’état civil qui aurait pour objet d’empêcher le mariage de deux personnes de même sexe sur le territoire d’une commune. Sur le fond, c’est une circulaire d’apaisement qui apporte aux maires une solution s’ils veulent exercer la clause de conscience que le président de la République leur avait promise au dernier congrès des maires avant de se rétracter le lendemain en recevant les associations militantes de ce nouveau droit. La circulaire rappelle que, pour qu’un mariage soit valablement célébré en France, il doit l’être par un officier d’état civil du lieu du domicile ou de la résidence de l’un des deux époux ou de l’un de leurs parents. Les élus locaux, officiers d’état civil, exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République. Il ne peut être envisagé que le préfet utilise son pouvoir de substitution dans un domaine de compétence du procureur de la République. Le maire et les adjoints sont officiers d’état civil, mais la circulaire ministérielle précise que ces fonctions d’officier d’état civil « peuvent être déléguées à un conseiller municipal en cas d’absence ou d’empêchement du maire et des adjoints à condition qu’une délégation leur ait été donnée par le maire ». Bref, il suffira au maire pour exercer sa clause de conscience de trouver un conseiller municipal volontaire et de lui signer une délégation. On imagine mal (sauf dans de très petites communes) qu’il ne se trouve pas un conseiller municipal de la majorité ou d’opposition pour célébrer alors le mariage entre deux personnes du même sexe.
La circulaire rappelle opportunément que le mariage doit pouvoir être célébré dans toutes les communes de la République. L’Etat est garant du respect de l’égalité des droits sur tout le territoire. Le ministre de l’Intérieur précise que le refus de célébration constitue une voie de fait car la liberté du mariage a été reconnue par le Conseil constitutionnel comme l’une des composantes de la liberté individuelle. Le juge des référés peut donner injonction au maire de procéder à la célébration sans délai, éventuellement sous astreinte. Le maire est également exposé au risque d’une demande de dommages et intérêts. Seul le procureur de la République peut en effet s’opposer au mariage s’il estime qu’il pourrait être atteint par une cause de nullité et il appartient au maire de le saisir lorsqu’il existe selon lui des indices sérieux laissant présumer une absence de consentement libre des époux. La décision finale de célébrer ou non le mariage relève de l’autorité judiciaire, c’est-à-dire, in fine, du juge civil.
Si le motif du refus tient à l’orientation sexuelle des époux, l’officier d’état civil s’expose aux peines de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende pour délit de discrimination. « Il appartient donc au maire de prendre toute mesure afin qu’un officier d’état civil puisse être disponible au sein de sa mairie et de s’abstenir de prendre des mesures pour empêcher cette disponibilité », recommande la circulaire ministérielle. On ne saurait être plus clair pour mettre en œuvre la clause de conscience et inciter les maires que leurs convictions personnelles empêchent de célébrer ce type de mariage à s’organiser avec les autres membres du conseil municipal. Bref, une mesure d’apaisement si tout le monde joue le jeu et un mode d’emploi qui permet aux maires opposés au mariage de personnes de même sexe de trouver une solution pragmatique sans se déjuger, ni prendre la posture du martyr.