Voilà, c’est fait, les habitants de Tulle en Corrèze ont retrouvé leur tribunal, ils n’auront plus à parcourir 30 km pour aller à Brive où les deux TGI du département avait été regroupés dans un effort de rationalisation de la carte judiciaire mené à la hache par Rachida Dati, Garde des Sceaux, en 2008. La Corrèze, heureux département de 243.551 habitants, comptera donc deux tribunaux de grande instance puisque la décision gouvernementale de réouverture prévoit explicitement le maintien du TGI de Brive. Cette restauration s’est faite en douceur. Pour faire bonne mesure, on comptera deux autres villes bénéficiant de la réimplantation d’un TGI : Saint-Gaudens et Saumur.
Un communiqué du ministère de la Justice chiffre entre 600.000 et 950.000 euros les coûts de fonctionnement du TGI de Tulle. De bons connaisseurs de la justice estiment qu’il convient de tripler ces chiffres. Mais la question n’est pas là. Cette annonce intervient deux jours après la présentation du rapport de la Cour des comptes qui appelle à une réduction plus vigoureuse des dépenses publiques, les magistrats financiers sonnant le tocsin face à la dégradation des comptes publics et du moindre rendement de l’impôt. Il y a quinze jours, l’USM (Union syndicale des magistrats) rendait publique une lettre adressée en avril dernier à la Garde des Sceaux par les très sérieuses conférences des premiers présidents et des procureurs généraux qui l’alertaient sur la grande misère de la justice. Les magistrats signalaient que pour les frais de justice, malgré la hausse récente de l’enveloppe budgétaire, à défaut d’abondement, leur paiement ne pourra plus être assuré à compter du troisième trimestre 2013 ; que pour les frais d’affranchissement, la baisse de 7% allait entrainer un blocage du fonctionnement de l’institution judiciaire. Enfin, ils indiquaient pour les crédits immobiliers, que la réduction est telle que « seul un entretien d’urgence et de sécurité immédiate pourra être entrepris dans de nombreuses juridictions ».
Voilà le contexte dans lequel se produit la réouverture du TGI de Tulle. En février dernier, une mission dirigée par Serge Daël, conseiller d’État honoraire, avait produit un rapport sur huit villes dont les TGI avaient été supprimés. Elle indiquait n’avoir pas retenu, à titre principal, la réouverture des TGI supprimés car « la quasi-totalité des juridictions supprimées (à l’exception peut-être de Guingamp) était de petites juridictions, dont le fonctionnement était fragile » et elle préconisait dans ces huit villes la création d’une chambre détachée de proximité pour répondre « à moindre coût, aux problèmes rencontrés dans les différents sites concernés ». Le rapport Daël anticipait toutefois le rétablissement du TGI de Tulle tout en précisant que « ce n’est cependant pas la solution que la mission recommande ». Le rapport proposait finalement « que le siège du TGI qui constitue désormais le TGI de la Corrèze soit fixé à Tulle « avec la création d’une chambre détachée pour remplacer l’actuel TGI de Brive-la-Gaillarde ». On sait désormais ce qui est advenu.
Pour rajouter aux éléments de contexte, citons pour Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique. Lors d’un déplacement il y a dix jours, en Charente-Maritime, elle a vaillamment plaidé pour une mutualisation renforcée des services publics. Inaugurant à Marennes, un guichet unique d’accueil regroupant de nombreux services à la population dans les domaines de l’économie, du droit et de la justice, de la formation et de l’insertion, la ministre a indiqué que « la mutualisation est une chance ». Elle affirmait qu’ « à un moment de notre histoire où la maitrise de la dépense est un impératif, nous devons ensemble, prouver que des marges de manœuvre existent. » Il n’est pas sûr que le signal corrézien engage les mêmes marges de manoeuvre.