Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques contient des propos sévères sur les collectivités territoriales. Elles sont appelées à participer plus fortement à l’effort de redressement des comptes publics. Globalement en France, la progression de la dépense (1 %) a ralenti par rapport à la moyenne des années 2008-2011 (1,4 %) mais la Cour note que, si les normes de dépenses de l’Etat et de la sécurité sociale ont été respectées, les dépenses des collectivités territoriales ont été plus dynamiques qu’anticipé. Les magistrats financiers conseillent donc au gouvernement de ne donner aucun moyen supplémentaire aux collectivités : “affecter globalement de nouvelles ressources fiscales aux collectivités territoriales pourrait les inciter à accroître leurs dépenses. Or elles devront contribuer significativement à la maîtrise des dépenses publiques. L’affectation de nouvelles ressources irait à l’encontre de l’effet recherché par l’État en diminuant ses dotations.“
Analysant les données de la comptabilité nationale, la Cour des comptes constate que le montant total des dépenses des collectivités territoriales (221,4 milliards d’euros) a augmenté de 2,6 % en 2012 après une hausse de 3 % en 2011. Pour les magistrats financiers, cette évolution « met en évidence l’existence d’une difficile maîtrise des dépenses de fonctionnement et le maintien d’une capacité d’investissement, principalement pour le secteur communal ». Cette accélération est portée principalement par l’augmentation des dépenses de personnel qui a été plus forte qu’en 2011 : + 2,6 % pour les communes, + 8,7 % pour les intercommunalités, + 2,6 % pour les départements et + 3,8 % pour les régions en 2012 contre respectivement + 1,8 %, + 7 %, 1,9 % et + 2,9 % en 2011. Les collectivités ont pu faire face à ces augmentations grâce à la hausse des recettes fiscales. Parallèlement, le produit fiscal des communes a progressé de 2,7 % et celui des groupements à fiscalité propre de 8,2 % tandis que l’augmentation se limitait à 1,0 % pour les départements et à 1,3 % pour les régions.
Au moment où la Cour des comptes présentait son rapport, Arkéa Banque et le Forum de la gestion des villes publiaient une note de conjoncture générale sur les finances locales. Que constate-t-on ? Les régions sont confrontées à de fortes contraintes sur leurs recettes. Suite à la suppression de la taxe professionnelle, elles ne disposent plus de levier sur la fiscalité directe. Résultat : entre 2002 et 2012, la dette régionale a progressé de +9,4% en moyenne annuelle. Du côté des départements, les dépenses d’action sociale continuent à croitre et les politiques d’investissement sont revues fortement à la baisse. Quant au bloc local (communes et intercommunalités), Arkéa Banque et le Forum de la gestion des villes estiment que la hausse des dépenses de fonctionnement sera seulement de 1,8% en 2013, en net ralentissement par rapport à 2012 (+4,0%) mais les charges de personnel (23% des dépenses de fonctionnement enregistreront une évolution proche de celle prévue en 2012 (+4,8%, contre +5,0% en 2012).
Impossible de faire refroidir le moteur de la dépense publique locale ? Une récente étude de la DGCL (Direction générale des collectivités locales) indique que les collectivités vont subir des dépenses contraintes importantes en 2013 et au-delà, conséquences de nouvelles lois et décrets qui s’imposent aux gestionnaires territoriaux. Quelques exemples : le relèvement de la cotisation retraite employeur à la CNRACL (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales) coûtera 1,15 milliards d’euros sur 2013-2014. Le décret de juillet 2012 relatif à l’âge d’ouverture du droit à la retraite anticipée à 60 ans pour les assurés ayant commencé à travailler avant 20 ans coûtera aux collectivités 75 millions par an en fin de montée charge (2015). Et on s’impatiente du peu d’empressement des élus locaux à embaucher des emplois d’avenir. Le ministre du Travail Michel Sapin a demandé aux préfets d’être plus pressants auprès des maires pour accélérer la création de ces emplois aidés.
Signe de cette injonction paradoxale qui demande aux gestionnaires territoriaux de réduire les dépenses mais de développer de nouvelles politiques, le récent plan gouvernemental de développement des gardes d’enfants annoncé début juin et élaboré sans concertation avec les associations d’élus locaux. L’Association des maires de France a fait le calcul : une place en accueil collectif représente un coût de 18.000 euros en investissement, et un coût en fonctionnement annuel de 15.000 euros. Une fois atteint l’objectif de 100.000 places en accueil collectif, le coût de fonctionnement s’élèvera à 1,5 milliard d’euros, un montant bien supérieur aux aides qu’apportera la Caisse nationale d’allocations familiales. Autre cas bien connu : on a critiqué la timidité des élus locaux à mettre en œuvre la nouvelle organisation des rythmes scolaires demandée par le ministre de l’Education nationale. Il faut savoir que le coût de l’aménagement du temps scolaire est estimé à 130 euros par enfant de moins de 6 ans et de 100 euros par enfant de plus de 6 ans, pour 3 heures par semaine. Si toutes les communes organisent les activités périscolaires avec des animateurs rémunérés, le réaménagement du temps scolaire coûtera de l’ordre de 600 millions d’euros en année pleine. Pour les départements (hors Ile de France) au titre des transports scolaires, l’augmentation sera de 60,4 millions par an, soit une augmentation de 3,1% du budget du transport scolaire. Une situation de plus en plus intenable pour les élus locaux.
Les collectivités territoriales ont besoin des supports financiers pour se développer. Il faut trouver leur nouveau bon fonctionnement pour que les investissements soient bien amortis.
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