Le grand désarroi des élus départementaux

Départements

Le coup est parti du conseil général du Pas-de-Calais, présidé par Dominique Dupilet (PS). Les élus de ce département ont voté à l’unanimité (PS, UMP, UDI, PCF) une résolution très critique contre la réforme territoriale en cours et contre ses auteurs. Ils dénoncent « l’incohérence qui consiste à fixer un nouveau cap quelques mois à peine après avoir rétabli la clause générale de compétences, engager un redécoupage généralisé des cantons et modifier le scrutin départemental ». Ils déplorent aussi « l’absence de volonté d’engager une réflexion commune, la conclusion étant d’ores et déjà annoncée en préalable ». Et de menacer : « si l’Etat continuait à vouloir passer en force, en niant la démocratie, sur la suppression de départements à court terme, nous déciderions alors de suspendre les collaborations en cours avec lui sur les sujets où la contribution du département est mise en œuvre », et ce « en dehors des champs obligatoires ». Ce vote unanime est un coup de semonce que le gouvernement ne doit pas prendre à la légère. Il émane d’un département socialiste qui jusqu’à présent a toujours été un bon élève de  la modernisation de l’action publique territoriale. Pour preuve, les mutualisations en cours avec le département du Nord pour les achats, l’aménagement numérique ou les politiques de mobilité.

Cette résolution est symptomatique du grand désarroi que je constate quand je rencontre des élus départementaux et des présidents de conseils généraux députés et sénateurs. Même les plus ardents réformateurs ont été choqués par la méthode présidentielle. Ils avaient écouté le président de la République qui vantait les vertus du département en janvier lors de ses vœux en Corrèze et ils l’ont entendu condamner l’institution départementale en affirmant récemment au micro de BFM que “les conseils généraux ont vécu“. Sur son blog, Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements, président du conseil général des Côtes d’Armor s’interroge : “ Je commence à douter. Et pourtant je suis plus socialiste encore qu’hier, et plus à gauche demain“. Pour cet ancien président de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains, la pilule est amère.

Hier, mercredi, Claudy Lebreton a été reçu à l’Elysée par le président de la République avec ses collègues Bruno Sido (UMP, Haute-Marne) et Patrick Kanner (PS, Nord). La discussion a été “très franche“ selon le communiqué des élus départementaux. Comprenez que les présidents de département ont rappelé leur opposition au projet gouvernemental sur le fond, comme sur la forme et la méthode. François Hollande leur a répondu que la suppression des départements pourrait intervenir « beaucoup plus tôt que ce qui avait été annoncé à l’horizon 2021. On pressent que ça peut être aux alentours de 2016-2017 », indique Claudy Lebreton. Le président de l’ADF se demande « s’il y a encore une possibilité de discussion pour la collectivité intermédiaire entre la commune et les régions ». Et il répond à sa propre question en indiquant que François Hollande « a laissé la discussion possible », notamment en ce qui concerne « les territoires ruraux et semi-ruraux où l’on ait très bien que le département est déterminant ».

Le désarroi des départementalistes est palpable parmi les sénateurs présidents de conseils généraux. Ils ont appris qu’un séminaire de travail réunit ce jeudi députés socialistes et ministres concernés à l’Assemblée nationale. Au Sénat, l’ancien président Gérard Larcher a demandé la constitution d’une commission spéciale, sachant que le projet de loi sera d’abord examiné par les sénateurs dès cet été, comme l’a annoncé Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.  Le Sénat sera saisi du texte en première lecture mais les parlementaires sont désabusés. La proximité des élections sénatoriales ne simplifie pas la donne, tout comme le désengagement constaté du président du Sénat, Jean-Pierre Bel, qui a annoncé qu’il ne se présenterait pas à sa propre succession à l’automne prochain. Les sénateurs sont aussi conscients que leurs grands électeurs sont troublés par les annonces à répétition, et les changements parfois contradictoires  intervenus ou à intervenir. Le redécoupage généralisé et laborieux des cantons avec modification du scrutin départemental à l’initiative de Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, a laissé des traces. Le contexte de réduction des dotations de l’État n’arrange rien. Les “pactes de confiance“ semblent oubliés et les mots sont usés pour définir les relations entre l’État et les collectivités territoriales.

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