C’est une étude très originale que vient d’effectuer François Ecalle dans le cadre de son association FIPECO “Finances publiques et économie“. Il a analysé le taux d’emploi public par régions et départements révélant des inégalités flagrantes. Si certaines ont une justification, d’autres ne laissent pas d’interroger sur la politique des employeurs publics et, au premier chef, celle de l’État. En 2015, on recensait 72 agents publics pour 1.000 habitants dans l’hexagone (85 pour 1.000 en outremer), mais pour les seuls agents civils de l’État la variation est de 50 % entre PACA, la région la mieux pourvue et les Pays de la Loire, région la moins dotée. La région nantaise est-elle pour autant moins bien administrée que le littoral méditerranéen ? Rien n’est moins sûr. SI on compare les trois fonctions publiques, l’écart est de 22 % entre les Hauts-de-France, région où ce ratio est le plus élevé et les Pays-de-la- Loire où il est le plus faible.
Pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière, les écarts peuvent trouver une explication rationnelle. Ainsi les agents hospitaliers sont plus nombreux en proportion de la population ans la Haute-Vienne (29,1 pour mille) et la Creuse (27,4 pour mille) qu’en Seine-et-Marne (9,6). Dans les deux premiers départements, la proportion de personnes âgées est très importante et les établissements privés sont moins nombreux. Les écarts dans l’offre publique de soins n’est donc pas atypique. Pour la fonction publique territoriale, les détracteurs de la décentralisation ne seront pas étonnés que l’écart soit de 50 % entre la région la plus pourvue, PACA (30,5 pour mille), et la région la moins pourvue, Grand-Est (20,3), la proportion passant de 34 pour mille dans les Alpes-Maritimes à 17,4 dans le Haut-Rhin. Ce grand écart entre collectivités territoriales plaide en faveur de l’élaboration de standards de coûts auxquels pourront se référer les contribuables et usagers pour mesurer l’efficience des services publics locaux. L’Italie a généralisé ces standards de coût avec un système de bonus-malus très indicatif.
Quant à la politique RH de l’État déconcentré, c’est un autre challenge. Rien ne justifie la différence pour la fonction publique d’État (administration civile) entre l’Ille-et-Villaine (37,8 pour mille), la Haute-Garonne (37,7) et la Vendée (17,6). Les créations de poste sont souvent le résultat d’une longue histoire faite d’interventions politiques et de sédimentation de politiques publiques depuis des décennies. L’auteur de l’étude prend aussi le soin de préciser que « l’accès aux services publics est une notion complexe dont la mesure est difficile. Il peut, par exemple, être mesuré en considérant la distance moyenne parcourue par la population pour se rendre dans les locaux de l’administration ou encore le temps moyen de traitement des dossiers ». Cette étude devrait inciter les pouvoirs publics à approfondir la question du taux d’administration avec des critères plus sophistiqués. Seule la diffusion des données publiques de l’emploi public permettra de corriger les inégalités les plus flagrantes. D’autres études ont ainsi montré que les territoires ruraux qui se plaignaient souvent d’être sous-administrés, bénéficiaient de meilleurs ratios que les zones urbaines.