Le virus et la fusion des régions
(chronique parue dans Confinews le 19 mars 2020)
Cinq ans après la réforme du redécoupage des régions par fusion, on peut en mesurer les funestes effets dans la gestion de la crise sanitaire. Les chiffres qui sont communiqués aux Français, chaque soir par région, nous donne une idée très floue de la progression de l’épidémie. Quand on parle du Grand Est (anciennement les trois régions Champagne-Ardenne, Lorraine et Alsace) les chiffres évoquent davantage la situation à Mulhouse et Colmar qu’à Reims ou à Sedan. Les chiffres sont dilués dans un vaste ensemble territorial peut cohérent. Cela est si vrai que dans son intervention télévisée du 16 mars, le président de la République a parlé de la situation en Alsace, entité administrative supprimée par son prédécesseur mais réalité territoriale cohérente. Ce constat pourrait paraître anecdotique s’il ne s’agissait pas de gestion de crise et du maillage territorial de la République. On se souvient comment François Hollande a procédé en 2015 sans concertation sur les fusions de région en redessinant leurs nouveaux périmètres sur un coin de table.
Avec les nouveaux grands ensembles régionaux disparates, quand on rapporte le nombre de malades à la population du territoire, on a une vision déformée de la réalité. Comment comparer les chiffres du Grand Est 5,5 millions d’habitants avec ceux du Centre Val-de-Loire, 2,5 millions, ou même Corse 334.000 habitants. Les agences régionales de santé créées en 2010 ont dû fusionner pour s’adapter aux nouveaux périmètres régionaux. On a la même structure administrative dans le Grand Est et en Corse (mais aussi en Ile-de-France ou en Martinique), avec certes des effectifs plus nombreux selon les territoires mais la même chaîne de commandement avec un seul DG par région. Or, une série de décisions essentielles à notre santé ne peuvent être prises qu’après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. On en mesure l’importance en période de crise, comme le confirme le projet de loi d’urgence sanitaire actuellement soumis au Parlement.
Ajoutons, pour en revenir au cas de de la Région Grand Est, que suite à la réforme Hollande la préfecture de région a été installée à l’extrémité de la région à Strasbourg (à 350 km de Reims) et que l’ARS a été basée à Nancy pour donner un lot de consolation aux Lorrains lors de la fusion. Pas simple pour les administrations déconcentrées de l’État et l’efficacité de l’action publique.