Les Résisteurs

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C’est un livre étonnant et détonnant. Au début, je me suis dit qu’Elisabeth Weissman, dans ce livre qui vient de paraitre, « La désobéissance éthique » (Stock),  en faisait des tonnes. Elle transfigure une poignée d’instituteurs qui refusent d’appliquer les circulaires ministérielles en émules de Gandhi,  elle parle de la RGPP comme d’une entreprise de destruction des services publics, elle dénonce le management public comme une vaste manipulation. Et, en plus, elle convoque en témoin de moralité pour la préface de l’ouvrage, Stéphane Essel et l’esprit de la Résistance. Et puis, au fil des pages, on s’éloigne du pamphlet et du brûlot anti-Sarkozy, pour écouter les témoignages  de tous ses gens et agents du service public qui décrivent la violence sociale dont ils sont victimes et/ou dont on voudrait les rendre complices. A la lecture de ce livre construit sous forme d’abécédaire, on prend la dimension du grave malaise social que dénonce l’auteur et de l’état d’anesthésie générale de l’opinion, des corps intermédiaires, des syndicats notamment, face à cette souffrance et aux nouvelles aliénations qui exigent de résister. On découvre simplement comment des citoyens ordinaires refusent de se laisser manipuler et prennent des risques pour inverser le cours des choses.

Si la loi juste mérite l’obéissance des citoyens, la loi injuste mérite la désobéissance. Terrible boîte de Pandore qu’on hésite à ouvrir quand elle justifie aussi bien les actions des faucheurs anti-OGM que des médecins chrétiens intégristes anti IVG.  Mais c’est différent avec ces fonctionnaires et agents des entreprises publiques car leurs actions reposent sur les valeurs mêmes qui fondent le service public. Cela commence avec les désobéisseurs, ces enseignants désobéissants, cela se poursuit avec les Robins des bois, agents d’EDF ou GRDF qui rebranchent le courant aux plus pauvres parce que c’est un droit essentiel, avec les agents de Pôle emploi qui dénoncent les méthodes de dissuasion contre les chômeurs ou avec les policiers qui en ont marre de faire du chiffre dans les reconduites à la frontière.

Il y a beaucoup d’humanité dans les témoignages qu’a recueillis Elisabeth Weissman. Certains travaillent en réseau pour faire avancer des projets libertaires, d’autres se sont construit individuellement un bric-à-brac idéologique à partir des valeurs de la Résistance, désobéissants devenus désobéisseurs, demain résisteurs (!) d’une nouvelle armée des ombres, de fantassins du service public. Le témoignage le plus fort est certainement celui du policier Roland Gatti qui décrit le gâchis humain des expulsions d’étrangers et qui répond au préfet le menaçant du conseil de discipline : « Faites ce que vous voulez, moi je ne fais que dire la vérité, il y a deux sortes de préfets, les Papon et les Moulin, moi je suis plutôt du côté des Moulin. » Avant de juger et condamner sommairement tous ces désobéisseurs, il faut lire le livre d’Elisabeth Weissman. Ce n’est pas seulement une poigné de gauchistes ou de rêveurs qui ont mal digéré la lecture d’Anna Arendt et Henry-David Thoreau. Le cri qui parcourt cet ouvrage fait écho aux propos de Jean-Paul Delevoye et à ce que rapporte le Médiateur de la République sur le délitement de la société française. Il fait aussi écho à la démission récente du Médiateur de Pôle Emploi. On ne peut pas rester sourd à toutes ces voix.

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