Jean-Claude Barreau aime Venise. Pas la vitrine touristique, non, il est amoureux de la Sérénissime, il a la nostalgie de la ville-État, de cette thalassocratie qui fut ville-monde avant l’heure. Son dernier livre Un capitalisme à visage humain. le modèle vénitien (Ed. Fayard) remonte le temps à la rencontre de Venise, de son organisation politique, son génie économique, son urbanisation unique, sa culture et son art de vivre.
N’en déplaise aux zélateurs de Max Weber, Jean-Claude Barreau développe la thèse que, bien avant les protestants, les Vénitiens inventèrent le capitalisme moderne (la Bourse, les banques, la lettre de change, la comptabilité double), mais aussi l’écologie au quotidien, une certaine forme de laïcité, le non cumul des mandats et la justice égale pour tous. Bref, l’amoureux Barreau pare l’oligarchie vénitienne de toute les vertus du vivre ensemble. Tout simplement parce que les riches qui dirigeaient cette ville-État avaient à cœur de la préserver, de faire fructifier le bien commun et non de le consommer.
« Venise aimait le profit, mais avait compris, dans sa sérénissime sagesse, qu’à long terme le profit ne saurait ignorer le bien commun, Venise était une économie mixte, alliant les capitaux et l’État », écrit Jean-Claude Barreau. Pour lui, c’est l’exemple achevé d’une économie keneysienne qu’il propose en modèle pour notre société parce que Venise inventa un capitalisme intelligent, respectueux de son peuple, fondé sur le sens de l’État de ses dirigeants. Et si Venise a périclité, c’est à cause de la sclérose de ses élites dirigeantes. Ce livre très plaisant donne envie d’en savoir plus sur la Sérénissime et de tomber, nous aussi, sous le charme de la République de Marco Polo, Casanova, Canaletto ou Hugo Pratt. Entre nostalgie et tentation de Venise.