Sur le seuil avec Stéphane Hessel

Rencontre il y a quelques jours à Paris, à l’issue d’une conférence que l’alerte nonagénaire avait prononcé sur les Droits de l’Homme. Dîner en petit comité avec Stéphane Hessel et sa femme Christiane. Ils parcourent l’Europe et ne ménagent pas leur énergie pour transmettre ce message humaniste qui commence par « Indignez-vous » et se poursuit par un « Engagez-vous » qui renvoie chacun à ses devoirs de citoyen. Stéphane et Christiane Hessel n’en reviennent toujours pas du succès de ce petit livre au fur et à mesure des traductions de l’opuscule devenu phénomène d’édition avant de susciter le mouvement social des Indignés qui traverse l’Europe de Lisbonne à Athènes.

Mais Stéphane Hessel veut éviter tout contre-sens : « Il ne faut évidemment pas s’indigner pour n’importe quoi, mais il y a dans ce petit livre des valeurs que je considère comme fondamentales et dont la violation exige qu’on s’indigne, des valeurs élaborées pendant la guerre par le Conseil National de la Résistance. La relecture du programme du CNR est intéressante car elle montre que les valeurs sur lesquelles on a essayé de refonder la démocratie d’après-guerre n’ont pas toujours été maintenues en respect par les gouvernements successifs. » Avec courtoisie et bienveillance, Stéphane Hessel poursuit : « Vous avez raison de souligner que s’indigner ne suffit pas, ce n’est qu’une toute première étape, il s’agit de savoir quels engagements prendre lorsque, s’étant indigné, on se sent responsable de lutter contre ce qui a suscité l’indignation, il s’agit de ne pas être seulement choqué par ce qui vous indigne mais bien de savoir ce qu’on peut faire pour que ça change, quels engagements prendre. »

En ce début de XXIème siècle, pour fonder l’engagement qui est pour lui « un problème de longue portée, » Stéphane Hessel renvoie à un autre nonagénaire, Edgar Morin, et à son dernier livre La Voie : « Je lui suis très reconnaissant d’avoir balancé dans ce livre entre la description  de tout ce qui va affreusement mal dans nos sociétés mais aussi ce qui commence à aller dans un sens positif : ce livre nous montre quelles sont les voies sur lesquelles il est possible de s’engager. Une réforme profonde de l’économie, et plus généralement une réforme profonde de la pensée et du vivre sont en marche. » Formidable message de Stéphane Hessel, grand témoin du XXème siècle, qui s’enthousiasme avec Edgard Morin : « Nous sentons bien que nous nous trouvons sur un seuil. La façon dont  nos sociétés dans leur globalisation progressive et impérative ont emprunté des chemins de plus en plus violents vers l’accumulation des biens et du pouvoir se heurtent à quelque chose à quoi, nous, citoyens, détenteurs de nos droits et de nos libertés, devons, maintenant, trouver une solution. Oui, nous sommes sur un seuil. » Et Stéphane Hessel de citer Edgar Morin pour faire comprendre que nous sommes à la veille d’une révolution de la pensée et de l’humanité : « Nous sommes peut-être des chenilles et nous pouvons nous métamorphoser en papillons. » Pour cette mutation, Stéphane Hessel croit à la non-violence : « On cite toujours Gandhi, mais souvenons-nous que les grands changements qui sont intervenus en Europe récemment ont été conduits de façon non-violente par des hommes responsables comme Vaclav Havel ou Lech Walesa. »

 

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