Gestion de l’eau en France : flux et reflux

Cette semaine, les élus de la Communauté urbaine de Bordeaux vont voter pour reprendre progressivement la gestion directe de l’eau et de l’assainissement confiée jusqu’à présent à Suez Environnement et une autre grande ville, la Communauté urbaine de Lyon,  vient d’engager la réflexion sur l’avenir de son contrat de délégation de service public de l’eau qui arrive à échéance fin 2016 avec Veolia. On observe actuellement un grand mouvement de remunicipalisation de la gestion de l’eau en France, commencée à Paris et dont l’onde se propage partout en France. Malgré les efforts des opérateurs pour améliorer la lisibilité de leurs contrats, pour expliquer qu’ils ne sont pas dans une économie de rente, ce mouvement de remunicipalisation est massif. Cela tient principalement à deux facteurs : des contrats de délégation anciens et parfois opaques qui arrivent à échéance ; un lobbying efficace, sur le thème « l’eau est un bien commun de l’humanité » parti de la fondation France Libertés de Danielle Miterrand et habilement relayé par les élus verts et alternatifs au sein des assemblées locales.

Les opérateurs n’en peuvent mais. Dans un entretien récent au quotidien Les Echos, Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement, regrettait la perte du contrat de Bordeaux : « Bordeaux, c’est la vitrine de nos savoir-faire. Nous y avons réalisé un des systèmes anti-inondation de télécontrôle les plus performants au monde. Je suis prêt à reconnaître nos erreurs, mais je reste persuadé qu’une régie pourrait difficilement se doter de telles technologies. Je crois profondément à la complémentarité entre puissance publique et opérateur industriel. » Le directeur général de Suez Environnement répondait aux accusations de non transparence faites à sa société : « Nous aurons investi à Bordeaux près de 700 millions d’euros à la fin des contrats. Un contrat trop court interdit d’investir dans des projets complexes parce que les investissements ne pourront être amortis sur la durée. Sur aucun contrat dans l’Hexagone nous ne présentons une telle transparence. Depuis 2005, une dizaine de personnes nous auditent en permanence et la CUB suit en continu les données d’exploitation du contrat. Enfin, certains élus et techniciens ont un accès direct à nos comptes dans un dataroom. »

La méthode douce de Brest

Certes, l’eau est un bien commun de l’humanité mais sa gestion a un coût et il faut respecter l’équilibre de cette économie de l’eau. Elle exige la mobilisation de savoir-faire technologiques de pointe dans lesquels, les opérateurs français, Veolia, Suez Environnement ou Saur ont acquis une expertise mondialement reconnue. Dans ce mouvement de réintégration de sa gestion de l’eau, la Communauté urbaine de Brest, Brest Métropole Océane (BMO), a choisi une méthode souple. Elle s’est associée aux communes membres de trois syndicats de distribution d’eau voisins, couvrant le quart de la population du département du Finistère pour créer la SPL (société publique locale) « Eau du Ponant » afin d’assurer la gestion de son eau potable. La nouvelle SPL prendra le relais en 2012 du contrat de délégation de service public passé avec Veolia 25 ans plus tôt. Il s’agit de la première SPL consacrée à la gestion de l’eau.

Ce projet piloté par Maxime Paul, vice-président de Brest Métropole Océane (actionnaire à 90 % de la SPL) fait suite à  la décision des élus locaux d’un retour à une gestion publique.  L’élu brestois estime que le contrat d’affermage signé en 1987 avec Veolia pour une durée de 25 ans manquait de transparence. Pour lui, la SPL, officiellement créée le 1er janvier 2011, était l’outil le plus adapté à une mutualisation des moyens tout en laissant à chaque territoire l’autonomie et l’initiative dans certains domaines tels que la politique tarifaire ou le montant des investissements. Pour Maxime Paul, « un syndicat mixte aurait été obligé d’unifier le service pour l’ensemble des 280 000 habitants concernés » sans tenir compte, par exemple, des différences entre territoires urbaines et ruraux. De même, Les élus brestois trouvent cette formule de réintégration assez souple puisque la communauté urbaine a choisi de confier la gestion de son eau à la SPL en affermage tandis que d’autres collectivités pourront choisir la concession. À Brest, les personnels seront transférés à la SPL mais Veolia gardera une mission de sous-traitant de la SPL dans les usines de traitement avec une trentaine de salariés.  Cette sous-traitance a fait l’objet d’un marché entre la SPL et Veolia qui continuera à mettre en œuvre son savoir-faire.

 

 

 

 

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