« Il faut penser le temps de l’aménagement urbain. Un projet, c’est dix, quinze, vingt-cinq ans. » Bertrand Lemoine, directeur général de l’Atelier international du Grand Paris, nous replace dans la bonne échelle de temps. Son Atelier a recensé 650 projets dans le cadre du Grand Paris. Les 57 gares du futur Grand Paris Express vont en constituer des pôles structurants majeurs. Dans un rayon de 400 mètres autour de ces futures gares, les collectivités, communes ou communautés, préparent des contrats de développement territoriaux (CDT), nouveau mode de contractualisation avec l’État qui fera émerger les futurs quartiers autour de pôles intermodaux. Actuellement, 17 projets de CDT sont en négociation. « Le Grand Paris, c’est une réalité, personne n’y croyait il y a quatre ans », constate André Santini, député maire d’Issy-les-Moulineaux, président du conseil de surveillance de la SGP, la Société du Grand Paris, qui est le bras armé de l’État pour porter les projets de la future métropole et notamment les 175 km de nouvelles lignes ferroviaires du Grand Paris Express.
Devant les élus franciliens réunis au premier étage de la Tour Eiffel à l’initiative de la Fédération régionale des EPL autour de Laurent Lafon, maire de Vincennes, et de son collègue Patrick Jarry, maire de Nanterre, un autre élu qui a une longue expérience de la contractualisation avec l’État, Patrick Braouzec, président de la communauté Saint-Denis Plaine commune, a pu témoigner de l’évolution des pratiques : « En 1997, pour le Grand Stade, on s’était contenté de « dealer » avec l’État, cette fois c’est un vrai contrat que nous préparons et le plus important pour les élus, c’est d’avoir bâti préalablement leur projet de territoire, la mono-fonctionnalité n’est plus de mise. » Jean-Yves Le Bouillonnec, maire de Cachan, vice-président du syndicat Paris-Métropole, insiste sur la double dimension des projets de CDT : « il faut à la fois penser aux quartiers qu’on restructure, à leurs habitants et dans le même temps, imaginer la cohérence du futur Grand Paris, on est dans une logique de coproduction entre tous les partenaires, les lignes ont bougé depuis les premières annonces sur le Grand Paris et il faut prêter la plus grande attention à cette vision partagée. » L’enjeu pour Bertrand Lemoine est de remettre de la cohésion sur le territoire de l’aire urbaine parisienne « qui concentre le plus d’inégalités sociales et territoriales ». Un des principaux défis est de construire du logement accessible pour les habitants les plus modestes et d’éviter qu’ils soient demain rejetés et exclus du grand Paris. Mixité sociale, mixité d’usage : l’autre enjeu, c’est le développement de l’immobilier d’entreprise. Il faut programmer, anticiper, penser aux équilibres économiques et financiers, mais quels seront les besoins dans quinze ans ? Si on peut apporter des réponses assurées sur le logement où le déficit accumulé exige un effort qui ne sera jamais vain, autant la conjoncture financière et l’évolution des modes de production conduit à la prudence quand on imagine les futurs quartiers d’affaires du Grand Paris.
Globalement, a-t-on bien pris la mesure de ce qui est en train de se passer sur le territoire francilien depuis quatre ans ? On a plus parlé du montant des factures de cigares de l’ancien ministre Christian Blanc – secrétaire d’Etat au développement de la région capitale qui a porté le projet de loi – que des 57 gares qui vont transformer durablement le paysage et la vie quotidienne des habitants. C’est vrai, le sujet est plus compliqué, moins visible, le débat public avec les habitants est moins spectaculaire, mais la vraie vie politique se situe bien là quand on fabrique de la ville. Et depuis les années soixante, la méthode a changé. On est passé de l’aménagement administré, époque de Paul Delouvrier et des villes nouvelles, à l’aménagement gouverné et contractualisé. Cette gouvernance exige du temps pour construire la « métropole inclusive », selon la belle expression d’Emmanuelle Cosse, vice-présidente du conseil régional.
Illustration : ce logo du Grand Paris a été déposé fin septembre 2011. Il a vocation à être utilisé par l’ensemble des partenaires du projet Grand Paris.
A votre avis, que pense le reste de la France de votre projet qui va lui coûter des milliards d’euros ?
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