En quatre ans, le réseau de transports publics du Territoire de Belfort, Optymo, a enregistré un bon de 66 % de sa fréquentation sans augmenter son budget de fonctionnement. La recette de ce succès repose sur une révolution de l’offre, régularité des bus et paiement par l’usager en fonction de sa consommation. Christian Proust, président du Syndicat Mixte des Transports en Commun, est assez fier du résultat mais il risque de mécontenter le petit monde des transports publics car, fort de son succès, il part en guerre contre le « tout tramway » qui implique des investissements lourds et proclame qu’il faut privilégier l’offre de service plutôt que les infrastructures, en s’inspirant des télécoms.
J’avais connu Christian Proust, l’ancien collaborateur de Raymond Forni et Jean-Pierre Chevénement, quand il était président du conseil général du Territoire de Belfort jusqu’en 2004. Cet élu créatif avait créé avant les autres, dès 1986, un Contrat ressource personnalisé d’autonomie (CRPA) qui préfigurait le RMI. Aujourd’hui président du syndicat mixte des transports en commun de sa collectivité, l’élu local a gardé le sens de l’innovation sociale. Je viens de l’interviewer pour La Lettre du Secteur Public et ses propos sont instructifs : « Notre offre correspond à la demande des clients et c’est fondamental. La question n’est pas celle du véhicule, tramway ou pas, c’est celle de la fréquence qui doit correspondre à l’importance des déplacements de courte distance dans les agglomérations ; pour 3 km en moyenne par déplacement, les gens ne peuvent pas attendre un bus dix minutes. » L’offre belfortine repose donc sur une fréquence de cinq minutes entre deux bus avec un réseau qui fonctionne toute l’année de façon régulière, sans interruption de service dans la journée sans heures creuses. « Il faut que l’offre soit simple pour que ça marche », explique Christian Proust, » j’appelle à une réforme de l’offre de service. » Le Territoire de Belfort a aussi innover sur le modèle économique et le paiement, le syndicat mixte a mis en place un service de post-paiement qui compte aujourd’hui 45.000 clients disposant d’une carte. Un prélèvement est effectué en fin de mois sur leur compte bancaire en fonction de leur utilisation avec un plafond forfaitaire, sur le modèle de forfait de téléphonie mobile.
« Nous voulons nous positionner comme fournisseur global de mobilité, » explique aussi Christian Proust, qui à côté de son réseau de bus a développé des réponses multimodales : autopartage, le vélo en libre-service. « On ne peut réussir que si on offre une alternative crédible à l’automobile sur l’ensemble des besoins des clients au delà du transports en commun », poursuit-il, « mais il faut franchir des effets de seuil dans ces services pour que la population puisse prendre conscience de l’attractivité de ces solutions de mobilité, comprendre son intérêt économique. La clé pour réussir, c’est d’oublier l’approche ingénieur-infrastructure. » D’où son combat contre le « tout tramway » qui a débouché sur un livre blanc appelant à un révolution douce des transports publics.
De toute façon, on n’a plus les moyens d’investir dans des lignes de tramway qui sont de puissants outils d’aménagement, de recomposition urbaine, mais ne valent que par l’offre de service qui accompagne leur mise en service. Pour Christian Proust, » il y a aujourd’hui une contradiction de la part du gouvernement à financer nos politiques de dépenses. Plus on dépense et plus il finance. Je propose une approche complètement différente qui est de financer les résultats avec des objectifs de transferts modaux. La crise financière que nous vivons ne permet plus de promouvoir des solutions très coûteuses sous peine de devoir renoncer aux objectifs ambitieux du Grenelle de l’environnement, un report de la voiture sur les transports en commun équivalent à 18 milliards de kilomètres parcourus par les usagers. Avec le tramway, cela reviendrait à 60 milliards d’euros. Ce n’est pas tenable. Je dis à l’État : « laissez-nous expérimenter, ne nous enfermez pas dans un carcan, laissez-nous inventer de nouvelles formules » et j’ai la conviction qu’on peut diviser par huit le coût du transfert modal, en passant de 20 euros pour le tramway à 2,50 euros. » Les défenseurs du tramway apprécieront.
Article des plus intéressants, notamment en ce qui concerne la priorité à la qualité et à l’offre de service, et plus encore en ce qui concerne le post-paiement, qui est la révolution attendue par les usagers… Un sujet que j’aurais voulu traiter et promouvoir lorsque j’étais encore délégué général de l’association TDIE. Un authentique sujet d’avenir. Mais un sujet des plus sensibles pour certains…
Olivier DELEU
Consultant
Ancien délégué général de TDIE
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