Aujourd’hui 17:46 : un communiqué de la ministre de la Réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique a été diffusé annonçant un changement de méthode et de calendrier pour le projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique. La présentation du projet de loi reste maintenue le 10 avril en conseil des ministres, mais son examen sera « réparti en trois parties distinctes, ayant chacune leur cohérence, et échelonné sur l’année 2013 ». Le communiqué ministériel précise qu’ « il ne s’agit en rien d’un report, le calendrier initial prévoyant déjà un examen entre la fin du mois de mai et la fin de l’année 2013 ». Las, s’il ne s’agit pas d’un report, cela y ressemble furieusement. Depuis octobre 2012, époque où la ministre déclarait que le projet de loi était écrit et prêt, le texte dans ses différents avant-projets a connu neuf versions, aucune ne satisfaisant les associations d’élus locaux. Aujourd’hui, Marylise Lebranchu déclare que les parlementaires viendront à bout de la réforme en 2013. Rien n’est moins sûr. Le calendrier est de plus en plus glissant au fur et à mesure qu’on se rapproche des élections municipales de mars 2014 et surtout des sénatoriales qui suivront en septembre. Les sénateurs socialistes n’oublient pas que la majorité a basculé au Sénat en 2011 au lendemain de la loi RCT (Réforme des collectivités territoriales) que les grands électeurs, élus locaux, n’avaient pas apprécié. Le coup de grâce a donc été donné vendredi par le président du Sénat. « Ce texte ne nous convient pas », a déclaré Jean-Pierre Bel, qui, prévoyant une bronca des sénateurs, a écrit au Président de la République pour lui demander de repousser après l’été le début de la discussion parlementaire. Le président du Sénat a même accepté, lors de la dernière conférence des présidents de la haute assemblée, l’inscription à l’ordre du jour de demain mercredi d’une proposition de résolution présentée par Jean-Claude Gaudin, président du groupe sénatorial UMP, relative au « respect des droits et libertés des collectivités territoriales ». Et le président du Sénat détaille le nouveau découpage de la réforme en trois volets : un projet de loi métropolitain sera examiné par le Sénat dès ce printemps, un deuxième sur le rôle des régions « sera examiné dans quelques mois ». À propos du troisième volet, le président du Sénat est plus évasif ; ce texte « fera l’objet de nouveaux échanges et d’un travail préparatoire approfondi dans lequel le Sénat prendra toute sa part ».
Deux pierres d’achoppement conduisent les sénateurs de la majorité à une prudence très tactique : l’intercommunalité et la gouvernance régionale. Participant aujourd’hui mardi à la réunion du groupe sénatorial socialiste, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a donc trouvé cette voie de compromis en saucissonnant la réforme en trois textes distincts. Là encore, l’histoire bégaie car c’est la méthode qu’avait employée le précédent gouvernement avec sa RCT dont le troisième volet n’avait jamais pu aboutir. La semaine dernière, le très pluraliste bureau de l’Association des maires de France (AMF) estimait que l’avant-projet de loi actuellement examiné par le Conseil d’Etat, constituait « un texte technocratique où la réglementation l’emporte sur la confiance ». Pour l’AMF, « cet avant-projet de loi privilégie une conception institutionnelle verticale et hiérarchique de notre organisation territoriale et fait preuve d’une conception rigide et uniforme en matière d’intercommunalité ». L’AMF s’interroge aussi sur ce qu’il reste du principe constitutionnel de non tutelle entre collectivités et de subsidiarité. Les maires jugent que la réforme est porteuse de contraintes nouvelles : « là où l’AMF espérait une loi décentralisatrice et de liberté, allégeant les tutelles et valorisant les initiatives, L’AMF aurait préféré une approche s’appuyant sur la dynamique des politiques portées par le bloc communal, favorisant la croissance et la cohésion sociale, pour bâtir une nouvelle étape de la décentralisation ». Fermez le ban.
Les maires demandent une loi-cadre, concentrée sur l’essentiel, qui serait ensuite complétée des projets de loi spécifiques déjà annoncés par le gouvernement (urbanisme, logement, énergie…). Il est vrai que le mastodonte législatif (124 articles dans la version 9 du projet de loi envoyé au Conseil d’Etat) est cerné par une constellation de projets de réforme en cours ou annoncés qui concernent directement l’organisation territoriale. Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls achève actuellement le marathon parlementaire de son projet de loi sur les modes d’élections des conseillers départementaux (ex conseillers généraux), le mode d’élection par fléchage des conseillers communautaires et l’abaissement du seuil démographique pour le scrutin de liste aux municipales dans les communes rurales. La ministre du Logement et de l’égalité des territoires, Cécile Duflot, prépare un projet de loi logement qui aura un volet urbanisme et un autre projet de loi relatif à l’égalité des territoires. La ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, Delphine Batho, annonce un projet de loi sur la transition énergétique qui mobilisera les collectivités territoriales. Et demain en conseil des ministres sera présenté le projet de loi de limitation du cumul des mandats. Faut-il ajouter à la liste la refonte annoncée de la loi hôpital patients et territoires, la réforme de la dépendance et l’application mouvementée des nouveaux rythmes scolaires dont l’impact territorial n’est plus à démontrer ?
Coup de théâtre, 30 ans après l’acte 1 de la décentralisation, l’acte III s’ouvre donc par un entracte en forme d’impromptu. Pendant que l’Etat central est à la peine dans son effort de réforme, quelques territoires s’ébrouent pourtant. La banquise va-t-elle commencer à fondre ? Les électeurs alsaciens se prononcent par référendum dimanche prochain sur la création d’un conseil d’Alsace réunissant les deux conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin avec le conseil régional dans une seule collectivité. Mais, pour valider le projet, le nombre de « oui » devra être au moins égal au quart des électeurs inscrits. D’autres initiatives fleurissent. Les élus lyonnais préparent la création de la métropole de Lyon qui va reprendre les compétences du département du Rhône sur le territoire de l’actuelle communauté urbaine. En région Centre, les présidents de conseils généraux du Loiret, Loir-et-Cher et Eure-et-Loir vont signer le 8 avril à Romorantin un projet de mutualisation pour une série de compétences et services partagés. Les responsables des départements du Nord et du Pas-de-Calais ont indiqué qu’ils envisageaient un « PACS », selon le mot du président du Nord, Patrick Kanner. Une séance commune des deux assemblées est programmée le 4 juillet, pour inaugurer durablement une pratique de collaboration. En Bretagne, deux groupes politiques du conseil régional (EELV et autonomistes) réclament la fusion des quatre départements. S’exprimant devant les préfets en juillet 2012 à propos de la future réforme de décentralisation, le Premier ministre évoquait les intérêts contradictoires des élus locaux. L’ancien maire de Nantes avait déjà la pleine conscience de la difficulté de la tâche. Mais s’il est si difficile de réforme ce pays depuis Paris, la réforme “bottom up“ est peut-être en marche. Tournons le regard vers Strasbourg, Lyon ou Romorantin pour écouter la petite musique des territoires.
Avec le saucissonnage annoncé et le calendrier associé (débat durant la pré campagne ou pendant la c, ne risque-ton pas de voir se transformer ce bel
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Avec le saucissonnage annoncé et le calendrier associé (débat durant la pré campagne ou la campagne officielle des municipales), ne risque -t-on pas de voir se transformer ce magnifique impromptu en valse à trois temps…à reculons. A moins qu’il ne s’agisse d’un requiem!
pauvre décentralisation.
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