Transports intelligents : quelles actions pour la mobilité ? Sur ce thème, le SETRA (Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements) du ministère de l’écologie, du développement durable et de la mer, a organisé une journée d’échanges avec le Comité des maîtres d’ouvrages routiers (CoMOAR). C’était l’occasion de faire le point sur les actions en cours, les priorités et les collaborations à développer entre les acteurs, notamment entre l’Etat et les collectivités territoriales pour mettre en œuvre des systèmes communicants et intelligents au service de la mobilité.
Les initiatives foisonnent. Les collectivités territoriales développent l’information multimodale. En équipant la voirie départementale d’outils connectés producteurs de données, les départements ne sont plus seulement des gestionnaires d’infrastructures, ils deviennent producteurs de nouveaux services. L’Etat, à la fois opérateur et régulateur, a un rôle stratégique et peut fédérer tous les acteurs de la mobilité dans des objectifs et un calendrier partagé, d’autant que l’Union européenne a fixé des objectifs, des échéances et une méthode pour progresser. La sécurité fait partie des priorités clairement identifiées dans les politiques européennes avec des objectifs concrets comme celui-ci qui est le plus ambitieux : zéro mort et zéro blessé grave par collision sur les routes d’Europe en 2050.
Les acteurs privés, opérateurs de transports publics, entreprises de travaux publics, constructeurs automobiles, bureaux d’étude, ou la start-up qui rêve de proposer l’application mobile universelle, tous innovent mais restent souvent incertains sur les modèles économiques. Les frontières entre les métiers sont moins étanches. Les solutions universelles proposées par des acteurs mondiaux de l’Internet posent question. Et, au centre de l’attention de tous ces acteurs, publics et privés, se trouve l’utilisateur, automobiliste, voyageur des transports publics, cycliste, piéton… Il fait l’apprentissage de la nouvelle mobilité intelligente. Il invente lui aussi de nouveaux usages, parfois de façon coopérative, s’approprie ou rejette des outils technologiques proposés pour son confort ou sa sécurité. Pour qu’il adhère, il faut que les solutions proposées soient simples d’utilisation et surtout qu’elles soient fiables. Quand, en plus ces solutions et les données proviennent des autorités publiques, elles doivent être accessibles à tous et être parfaitement sécurisées. Etat et collectivités territoriales engagent leur responsabilité dans cette fourniture de données. Et rappelons-nous que cette mutation de nos usages de mobilité se produit pour les pouvoirs publics dans une période de disette budgétaire.
Pour que les acteurs puissent progresser ensemble, Jean-François Janin, de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) insiste sur la formation et la construction d’une culture partagée. Christian Gonson, président de l’Association des directeurs de services techniques départementaux (ASDSTD), lui fait écho en souhaitant que le CNFPT devienne partie prenante de cette mobilisation de tous les acteurs publics pour le développement des transports intelligents. D’autant qu’aujourd’hui, après les phases d’expérimentation, les solutions de transport intelligent arrivent à maturité et vont se développer à une plus grande échelle. « Il faut se jeter à l’eau », résume Xavier Delache chef du centre des systèmes de transport et de la mobilité au SETRA. Mais comment ? Quand les protocoles d’échanges de données ne sont pas encore stabilisés et que les modèles économiques restent parfois complètement inconnus.
Les calendriers ne sont pas forcément les mêmes selon les acteurs. Les constructeurs automobiles ont aujourd’hui d’autres urgences que de proposer des systèmes d’informations embarqués très sophistiqués dont on ne sait toujours pas qui doit payer l’information, entre l’automobiliste ou les pouvoirs publics. L’information multimodale répond à une attente forte des usagers qui peuvent ainsi préparer leurs itinéraires et choisir le mode de mobilité le mieux adapté. Les premières centrales de mobilité et autres solutions en ligne proposées souvent à l’initiative des collectivités territoriales, sont prometteuses. Mais ces usagers demandent des plateformes d’information qui s’affranchissent des frontières administratives, ils veulent tout, tout de suite, avec des informations en temps réel sur l’état des réseaux ou avec des solutions billettiques simples et intégrées. Pour les autorités responsables de transport (AOT) comme pour les opérateurs, cela pose la question du partage des données. La SNCF fait toujours figure d’accusé quand elle persiste à refuser de communiquer ses données grandes lignes sur les centrales de mobilité des collectivités territoriales. Néanmoins, cela peut se comprendre car derrière la fourniture des données, on tire le fil d’une pelote qui mène à la vente de billets et demain à l’apparition de nouveaux circuits de vente concurrentiels qu’il faudra rémunérer. L’information multimodale a aussi un coût et tous ses acteurs doivent inventer de nouveaux modes de contractualisation.
Dans ce paysage des STI encore mouvant, la nécessité de créer un observatoire national apparaît, mais attention à ne pas créer une ONU des transports intelligents, prévient Bernard Basset, président d’ATEC-ITS France. Pour l’Assemblée des départements de France (ADF), Yves Krattinger, président du conseil général de Haute-Saône, défend un modèle de mobilité courante, comme il y a eu des politiques publiques pour l’eau courante au siècle dernier. Pour encourager cette fluidité et faire travailler ensemble les acteurs publics de la mobilité, il préconise le lancement de projets emblématiques qui préfigureront la future mobilité intelligente, tels que la mise en œuvre d’un calculateur national d’itinéraires et de déplacements, ou un grand itinéraire routier entièrement connectée sur un long trajet. Daniel Bursaux, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, au ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, assume le rôle stratège et fédérateur de l’Etat, d’autant que les outils de pilotage et d’études des services de l’Etat sont en pleine évolution et s’ouvre à de nouvelles coopérations. Au 1er janvier 2014, les 8 CETE (centres d’études techniques de l’équipement), le CERTU (centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques), le CETMEF (centre d’études techniques, maritimes et fluviales) et le SETRA fusionnent pour donner naissance au CEREMA, centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. Les systèmes de transport intelligents et toutes les solutions de mobilité futées et communicantes seront assurément au cœur des politiques publiques sur lesquelles travaillera le futur organisme qui va structurer de nouvelles coopérations avec tous les autres intervenants de la mobilité, et au premier rang avec les collectivités territoriales.
En 2015, Bison futé aura 40 ans. Le sympathique totem, inventé par les fonctionnaires d’un ministère qui s’appelait alors ministère de l’équipement et des transports, préfigurait le premier partage de données publiques pour l’information des usagers et l’amélioration d’un service public. Bison futé a fait des petits. Ce sont des troupeaux de bisons de plus en plus futés et intelligents qui faciliteront demain nos déplacements, quels que soient nos modes de mobilité. Et l’ex-ministère de l’équipement devient chaque jour davantage agrégateur de services et de données.