L’INSEE vient de publier une étude portant sur trente ans de démographie des territoires. Elle confirme le rôle structurant du bassin parisien et des très grandes aires urbaines. Entre 1982 et 2011, la France a gagné 9,4 millions d’habitants, soit une croissance de 0,5 % par an, dont 20 % dans l’aire urbaine de Paris et 30 % dans les 13 plus grandes aires urbaines de province. L’influence de ces dernières ne cesse de s’étendre. Toutefois, globalement, les communes rurales ne perdent plus d’habitants depuis les années 1970. Elles en gagnent même lorsqu’elles sont proches de grandes agglomérations. Le constat est plus inquiétant pour un grand nombre de villes moyennes au passé souvent industriel, et au présent toujours administratif (préfectures, tribunaux…). En 2012, la revue Population et avenir que dirige le démographe Gérard-François Dumont avait bien montré cette fragilité. L’économiste Laurent Davezies a mis en lumière la vulnérabilité des territoires qui vivent de l’économie résidentielle ou de transferts d’argent public., ce qui est le cas des chefs-lieux de département, à l’heure où l’Etat et les opérateurs publics réduisent leurs effectifs.
La situation des villes moyennes fait contraste avec celle des grandes métropoles. L’étude de l’INSEE mérite d’être lue. Elle s’intéresse particulièrement à l’influence de l’aire géographique parisienne qui s’étend sur un rayon de 100 km, à partir de l’agglomération parisienne. Les 1 386 communes qui forment sa couronne périurbaine ont connu une croissance démographique deux fois plus élevée (+ 1,2 % par an) que la moyenne. Trois départements de la grande couronne portent près de la moitié de cette croissance : Seine-et-Marne (+15 500 habitants par an), Essonne et Val-d’Oise (+ 8 000 habitants chacun par an). Les 13 plus grandes aires urbaines de province abritent 20 % de la population et expliquent 30 % de sa hausse sur trente ans. Leur point commun est une croissance en périphérie ainsi que dans le centre de l’agglomération. Les cinq aires urbaines les plus dynamiques sont situées à l’ouest ou au sud-ouest du pays : Toulouse, Nantes, Rennes, Montpellier et Bordeaux. En revanche, Rouen et Lille ont une démographie moins dynamique que la moyenne nationale. Certaines grandes agglomérations perdent même des habitants sur trente ans : Douai-Lens, Valenciennes, Le Havre, Dunkerque, Saint-Étienne. Les villes de Clermont-Ferrand, Le Mans, Pau ou Limoges compensent leurs pertes dans la ville-centre par une augmentation de population en périphérie, tout comme certaines villes moyennes : Béziers, Tarbes, Périgueux ou La Rochelle. Globalement, l’évolution démographique est plus négative encore dans les régions en difficulté du nord-est ou du centre du pays.
Il y a quelques jours, lors de la présentation des voeux à la Fédération des villes moyennes (FVM), son président Christian Pierret, maire de Saint-Dié-des-Vosges, s’est voulu offensif : « Plus que jamais, la Fédération des villes moyennes a un rôle important à jouer pour faire valoir à la fois une volonté d’équilibre de l’espace, et pour permettre à ceux qu’on appelle les invisibles, ceux qui vivent des fragilités sociales, de s’exprimer. Nous voulons aussi faire valoir toutes les innovations sociales, culturelles et techniques qui naissent dans nos villes. Dans le cadre des réformes en cours, nous voulons porter une certaine vision de la décentralisation, à partir des villes d’équilibre que nous représentons. » Face à la consécration des métropoles reconnues dans la loi qui vient d’être votée par le Parlement, le président de la FVM résume : « Nous ne voulons pas être l’espace interstitiel entre les métropoles ». Il s’inquiète surtout du siphonage des dotations de l’Etat par les métropoles : « La dotation pour ces structures intercommunales sera très supérieure à celle des intercommunalités plus petites, communautés d’agglomération et de communes des villes moyennes, qui vont financer cette dotation aux métropoles. C’est un transfert financier à l’envers. » Une inquiétude d’autant plus justifiée qu’en 2014, la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée des entreprises) subit une baisse très significative alors même qu’une majorité de villes membres de la FVM, ayant un tissu industriel, ont beaucoup de ressources issues de la valeur ajoutée produite par les entreprises. Selon le maire de Saint-Dié, la baisse moyenne est de 4,5 % pour les villes moyennes. Une tendance alarmante car, progressivement, les villes moyennes privées de ressources risquent de ne plus pouvoir assumer leur responsabilité contracyclique pour enrayer le déclin de leur territoire.