Fin du cumul des mandats : la rupture

 AN

Les deux lois mettant fin au cumul des mandats parlementaires (députés, sénateurs, représentants au Parlement européen) et d’exécutifs locaux viennent d’être publiées au Journal officiel après leur validation par le Conseil constitutionnel. Elles marquent une rupture dans la vie politique française, rupture qui reste encore à concrétiser puisque l’échéance d’application est fixée à 2017. L’encre du Journal officiel est à peine sèche mais, pour autant, les sénateurs opposés à la réforme ne désarment pas : ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Les sénateurs RDSE, à majorité Parti radical de gauche, qui étaient opposés à la loi interdisant le cumul des mandats, demandent l’annulation du texte validé par le Conseil constitutionnel, affirmant qu’il « porte atteinte à l’équilibre des pouvoirs et affaiblit le Sénat ». « Les dispositions prévues par une loi peuvent être abrogées ou modifiées par une autre loi », rappellent dans un communiqué les sénateurs RDSE et le président de leur groupe Jacques Mézard (RDSE, Cantal). Pour eux, cette loi « est un mauvais coup porté à nos institutions et particulièrement au Sénat, chargé par l’article 24 de la Constitution de la représentation des collectivités territoriales ». Ont-ils une chance d’être entendus ? Le malheureux précédent de la création du conseiller territorial, qui devait fusionner mandats régional et départemental, réforme mort-née de la loi de décembre 2010, leur donne de l’espoir.

Pourtant, il n’est pas sûr qu’un président de la République veuille demain revenir sur la fin du cumul, d’abord parce que l’opinion publique y est majoritairement favorable, ensuite parce que toutes les grandes démocraties ont des parlementaires à temps plein. On aurait pu imaginer un régime différent pour les sénateurs et organiser la représentation organique des collectivités territoriales à travers leurs élus locaux, au Palais du Luxembourg, à l’exemple du Bundesrat allemand, deuxième chambre du Parlement à Berlin, représentante des Länder. Les sénateurs français n’ont pas voulu de cette évolution, craignant de devenir des parlementaires de deuxième zone s’ils n’avaient plus les mêmes prérogatives que leurs collègues députés. Cela a été une occasion manquée de créer ce haut conseil des territoires, toujours annoncé mais pas encore réalisé, qui pourrait réguler les relations entre l’Etat central et les collectivités territoriales. Visiblement, on n’a pas tiré les conséquences de la réforme constitutionnelle de 2004 qui a consacré “le fonctionnement décentralisé“ de la République.

La fin du cumul entre mandats parlementaires et exécutifs locaux est-elle une bonne chose ? C’est assurément une rupture dans le fonctionnement de la Vème République dont il faut attendre une revalorisation du Parlement. Il y aura peut-être ça et là des cumuls par procuration, des parlementaires remettant la présidence de l’assemblée locale entre les mains d’un affidé tout en restant les vrais patrons du territoire, mais au final l’évolution sera irréversible. Le président de la commission des lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur (PS, Loiret), qui a défendu le non cumul, estime que « la nouvelle loi constituera un changement considérable dans nos mœurs politiques ». Jean-Pierre Sueur est lui-même un bon exemple de parlementaire à temps plein. Depuis que les électeurs d’Orléans l’ont privé de son mandat de maire, il fait partie de ces parlementaires investis à 100 % dans leur mandat parlementaire qui produisent régulièrement des rapports, veillent à l’exécution et au contrôle de la loi et signent des propositions de loi. Il a d’ailleurs été brillamment réélu au Sénat par les grands électeurs du Loiret et porté à la présidence de la commission sénatoriale par ses pairs. Même s’ils ne sont plus maires ou président de conseil général et régional, les parlementaires de 2017 ne seront pas pour autant des élus hors-sol. Simple conseiller de leur assemblée locale, il sauront en défendre la cause. Alors, pourquoi les parlementaires maires qui ont voté la réforme et approuvé ses bienfaits ne se l’appliquent-ils pas en mars prochain, dès les élections municipales, en renonçant à un de leur mandat ? Le changement, c’est… maintenant.

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