“Vivre-ensemble, valeurs de la République et laïcité, quel rôle et quels outils pour les maires ?“ : c’est le thème passionnant et souvent passionné du débat que j’ai eu la chance d’animer, hier, dans le cadre des Assises des petites villes de France (APVF). Les élus locaux ne cachent pas les difficultés auxquelles ils sont confrontés, et cela bien avant les attentats de janvier dernier, quand il s’agit de faire vivre, au quotidien, la pratique républicaine de laïcité : tentations et enfermements communautaristes, délitement du lien social, crispations, confusions et invectives. Quelle laîcité ? Certains en font un mot magique qui réglerait tous les problèmes de notre société et d’autres l’instrumentalisent pour mieux exclure. Pour sortir du piège, je vous propose d’être au clair avec le principe de laïcité en relayant la définition que Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, en donne et qui mérite d’être partagée par tous les responsables publics.
Jean-Louis Bianco nous livre un définition limpide de la laïcité qu’il ramène à trois idées simples : “Premièrement, la laïcité est une liberté, liberté de croire ou de ne pas croire, liberté de changer de religion, liberté d’exprimer ses convictions, y compris religieuse, dans l’espace public. C’est une liberté qui s’exerce comme toutes les autres libertés dans les limites de la Déclaration des droits de l’Homme, dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à la liberté d’autrui. C’est donc une erreur, parfois commise de bonne foi par des gens qui ne veulent pas respecter la loi, de croire que la conviction religieuse ou philosophique, c’est seulement une affaire de lieux de culte ou de vie intime. Deuxièmement, la laïcité, c’est l’indépendance de l’État et sa neutralité par rapport aux religions, neutralité du service public, y compris si il est exercé par des personnes de droit privé, neutralité des agents qui exercent une mission de service public qui ne doivent manifester aucune préférence et aucun signe d’appartenance ou de conviction religieuse. Cette neutralité ne s’étend pas aux usagers du service public, sauf des usagers un peu particuliers que sont les élèves de l’école publique. Troisièmement, la laïcité, ce n’est pas seulement préserver la liberté d’autrui et permettre la coexistence de gens d’origines et de convictions différentes, c’est le fait qu’au delà de ces origines, de ces convictions, de ces sympathies, nous sommes toutes et tous des citoyens à égalité de droits et de devoirs“. Tout est dit autour de ses trois idées simples.
Les maires sont bien sûr d’accord avec cette définition mais ils se heurtent à des difficultés dont ils ont fait part à la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, venue débattre avec eux de ces problèmes. Ces difficultés sont loin des débats médiatiques tels que les menus dans les cantines scolaires qui se règlent la plupart du temps de façon pragmatique, comme le montre une étude menée par l’APVF auprès de ses adhérents. Antoine Homé, maire de Wittenheim, dans l’agglomération de Mulhouse, observe que des parents pratiquent le repli communautaire en choisissant pour leurs enfants l’enseignement à distance. Ce retrait de l’école représenterait dans l’agglomération mulhousienne, l’équivalent des effectifs d’une école publique. Et de citer aussi les restrictions sur les sorties scolaires des parents qui ne veulent pas de visites au musée pour leurs enfants ou n’acceptent pas d’absence de plusieurs jours pour leurs filles. Pour promouvoir le vivre-ensemble, les maires veulent utiliser tous les leviers possibles. C’est par exemple, les temps d’activités périscolaires (TAP) où l’éducation artistique et culturelle a une fonction émancipatrice. Dans le cadre des projets éducatifs territoriaux, on fait aussi de l’éducation à la citoyenneté. De plus en plus d’initiatives sont prises pour sortir les enfants de l’enfermement culturel, pour recoudre le tissu social. Cela passe aussi par la fermeté des maires employeurs pour faire respecter la neutralité du service public par leurs agents, par les politiques d’habitat qui renforce la mixité sociale contre les enfermements communautaires. Un travail patient mené en profondeur, une action permanente, loin du bruit médiatique qui exaspère les passions et attisent les peurs.