À la différence d’autres pays comme le Canada, la dimension du leadership reste trop peu explorée en France dans le management public. C’est donc une étude vraiment originale et inspirante que vient de publier Valérie Petit, professeur de leadership à l’EDHEC Business School et son équipe du centre d’innovation EDHEC Open Leadership sur le leadership dans la sphère publique. D’abord une définition : “le leadership est le processus par lequel un individu influence un groupe d’individus afin de le convaincre de ce qui doit être fait et de comment le faire, il facilite les efforts individuels et collectifs dans l’atteinte des objectifs partagés“. L’étude très fouillée, à la fois quantitative auprès des agents et qualitative avec les managers, révèle des différences instructives avec le secteur privé.
Il y a bien un déficit de leadership dans la sphère publique. Plusieurs répondants justifient leur difficulté à utiliser ce vocable par une certaine pudeur (on va me juger narcissique) ou prévention (on va me juger autoritaire). La première différence avec le privé est l’importance accordée à l’intégrité morale et la fidélité aux valeurs publiques. La deuxième tient au niveau de complexité dans lequel opèrent les managers publics. C’est surtout la capacité à gérer des paradoxes : faire mieux avec moins, combiner efficacité et souci de l’intérêt général, répondre aux exigences de parties prenantes multiples, et pas seulement politiques, tout en suscitant l’adhésion des agents. Dans un contexte réglementé, complexe et financièrement contraint, comment répondre aux impératifs d’innovation, de transformation ou encore les réductions d’effectifs et les exigences d’optimisation ? “Le leadership public apparaît comme l’art de gérer positivement les paradoxes, c’est-à-dire la capacité à trouver des façons créatives et intégratives de réconcilier des logiques et des exigences antinomiques mais indissociables“, observent les auteurs de l’étude. Mais, justement, “le leadership public est l’art de la gestion des paradoxes“, concluent-ils, “c’est une source d’inspiration dans un monde de plus en plus interconnecté où la capacité à résoudre des paradoxes tend à devenir une compétence clé de leadership“.
L’enquête montre que la chance des managers publics, c’est la motivation et l’attachement des agents aux valeurs du service public. Les agents ne veulent plus d’un manager organisateur et superviseur. Ils demandent un manager qui agit comme un coach, un intégrateur qui leur permet de progresser individuellement et collectivement. Cela signifie de “passer d’une relation verticale et asymétrique à une collaboration égalitaire et collaborative où le leader est plus facilitateur et inspirateur que donneur d’ordres“. Il faut pour cela échapper au triple syndrome de la tour : ni tour de contrôle, ni tour d’ivoire, ni tour de Babel.
Autre enseignement de l’étude à méditer : les managers publics féminins sont jugées plus efficaces que leurs homologues masculins, une différence que les chercheurs n’avaient pas décelée dans le management du secteur privé.