Chroniques par temps de crise sanitaire

Après la catastrophe, refonder la politique à échelle humaine

(Chronique parue dans Confinews le 7 mai 2020)

Au cœur de la crise sanitaire, les médecins hospitaliers ont été les héros de la nation, des applaudissements au balcon jusqu’au plateau de télévision qu’ils ont annexés. À l’heure du déconfinement, les maires les remplacent sur les écrans des chaînes d’information en continu. Retour à l’école, distribution des masques, aide alimentaire, organisation du transport public ou commerce local, les élus locaux sont les acteurs centraux d’une nouvelle séquence de la catastrophe sanitaire. Ils sont surtout les artisans de solutions adaptées à la diversité des territoires au plus près des citoyens. Au moment où la confiance envers les décideurs nationaux est affaiblie, l’État central prend à nouveau en considération les élus locaux comme il avait dû le faire pour sortir de la crise des Gilets jaunes. L’État ne peut pas tout, tout seul, comme l’a montré la décision hâtée de réouverture des écoles qui ne peut pas se régler simplement par décret ministériel.

Plus que jamais, il faut refonder la politique à échelle humaine. Dès le début de la crise des milliers d’élus locaux se sont mobilisés alors qu’une grande partie des équipes municipales sortaient pourtant déstabilisée du premier tour des élections municipales, dans l’attente de l’installation des nouveaux conseils déjà élus mais pas encore installés ou encore en campagne non dite pour un hypothétique deuxième tour. Cette difficulté n’a pas troublé les ardeurs. Les premières structures locales en alerte ont été les centres communaux d’action sociale, les CCAS, qui continuent encore à déployer des trésors d’inventivité pour répondre aux urgences sociales : services aux personnes âgées isolées, distribution de repas, aides psychologiques… La crise a révélé la grande misère de certaines communes urbaines : sur-occupation des logements (8 % de la population française selon l’INSEE), mauvais état sanitaire des habitants… Les politiques sociales de proximité se retrouvent en haut de la pile des priorités communales. Un travail d’urgence mais aussi une œuvre de long terme pour repenser un urbanisme qui doit intégrer la santé environnementale (densité urbaine, partage de l’espace, place de la nature…), de la même façon qu’il y a 150 ans on a pensé l’hygiène publique à partir de l’aménagement urbain. Au plus dur de la crise sanitaire, le Conseil scientifique ne s’y est pas trompé, en affirmant « la nécessité de prêter une attention particulière aux zones d’habitation les plus vulnérables ».

L’agilité et la créativité des équipes municipales se sont déjà affirmées dans de nombreux domaines. Par exemple, le maire d’Angers a mobilisé les ASVP, les agents qui habituellement verbalisent le stationnement irrégulier, personnels assermentés, pour faire les courses des personnes âgées avec leurs moyens de paiement et cartes bleues en tout confiance. Après les fermetures des marchés, des villes comme Nevers ont organisé des systèmes de “drive“ avec des producteurs et des fermiers locaux avec des plateformes locales de commande. À Joinville-le-Pont, les marchands ont pu installer des points de vente dans des restaurants et des boutiques qui étaient fermés, le volet sanitaire et juridique étant réglés par la mairie avec le gestionnaire du marché. À Limoges, les agents de médiathèque préparent un “comptoir du livre“ pour assurer les prêts que les abonnés pourront réserver par Internet. Des pochettes thématiques de livres seront aussi proposés. Ailleurs, des grandes villes réservent des itinéraires provisoires pour les vélos afin de désencombrer les transports publics et des communes touristiques repensent leurs rues et leurs espaces publics pour fournir de vastes terrasses aux restaurants qui attendent avec impatience et inquiétude la saison estivale.

Tous ces exemples ne sont pas anecdotiques. L’innovation locale va assurément continuer à se déployer pour faire face à la crise économique et sociale dans laquelle nous entrons.

Ainsi, le maire de Dunkerque, président de la communauté urbaine, Patrice Vergriete, vient-il d’annoncer la mise en place de comités de suivi avec les acteurs du commerce, de l’industrie et du BTP pour amortir financièrement la crise, mais aussi pour s’adapter le plus rapidement possible à l’après-COVID-19. Partout, les élus locaux vont travailler avec les forces vives de leur territoire pour inventer le monde d’après. Les collectivités devront être particulièrement inventives car elles sont fragiles, leurs finances locales ayant déjà été très abîmés par les premières semaines de la crise.

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