La France retrouve enfin les océans. Tel était le titre du Débat d’Iéna que nous animions, François Grosrichard et moi, il y a quelques jours, au Conseil économique, social et environnemental. L’occasion de faire le point sur l’application du Grenelle de la mer et du Livre bleu et mieux mesurer les enjeux de la nouvelle politique maritime de la France. Au delà de la densité des débats dont les actes seront prochainement publiés, cette journée était aussi l’occasion de changer de point d’observation sur les territoires, terrestres et maritimes. Jean-Yves Perrot, président directeur général de l’Ifremer, rappelait à juste titre que les populations vivent de plus en plus majoritairement à proximité des côtes. Cette migration des terriens vers les zones littorales est un phénomène mondial, plus de 60 % de la population vit sur une bande littorale de 60 km de profondeur. En France, les habitants des 885 communes littorales représentent 10 % de la population, sur 4 % du territoire national. La pression démographique croît (300 habitants au km2 sur les côtes françaises) et s’accompagne d’une pression économique.
Au delà de l’Hexagone, la France a une surface et des frontières maritimes impressionnantes, de Nouméa à Saint-Pierre-et-Miquelon, de Clipperton aux Kerguelen. Elle est aujourd’hui la deuxième puissance mondiale avec onze millions de kilomètres carrés de ZEE (zone économique exclusive sur lequel elle peut exercer ses droits souverains en matière économique) et a des frontières maritimes avec 30 pays. Cette immense ZEE devient territoire d’exploration pour les minerais rares et, demain, elle peut devenir espace d’exploitation des ressources marines, minérales et biologiques.
Bien sûr, c’est un marin qui a le mieux parlé de la mer. « Ne traitons pas les mers comme la terre, derrière nos palissades et nos clôtures. Sur terre, nous sommes dans le domaine du déterminisme. La mer est le royaume du probabilisme, » explique l’Amiral Pierre-François Forissier, chef d’Etat-major de la Marine nationale. Et d’illustrer sont propos par le crash du vol d’Air France au large du Brésil, dont on ne connaît toujours pas aujourd’hui le point d’impact, ou par la lutte contre la piraterie dans l’océan Indien, où les pirates sont de plus en plus mobiles. En mer, ce qui est vrai à l’instant T à un endroit déterminé ne l’est plus l’instant d’après, et particulièrement en matière de sécurité. Jean-François Tallec, secrétaire général de la Mer, résume bien ce paradigme marin pour structurer la politique maritime française : « La mer est un milieu unique et mouvant. Il faut faire en sorte que les politiques sectorielles se confortent ainsi que les deux échelles temporelle et spatiale ».