À l’occasion de la parution de l’édition 2012 de sa revue, l’organisation internationale Global local forum, dont je suis un des promoteurs et ardent militant, organisait ce mardi à Paris un colloque sur le thème de « l’approche territoriale de la sécurité/souveraineté alimentaire ». Les sommets mondiaux ont alerté sur la gravité des crises alimentaires, il faut maintenant agir. Une approche inclusive à l’échelle des territoires a prouvé son efficacité. Les collectivités territoriales ont un rôle d’ensemblier pour créer des infrastructures (marchés et entrepôts frigorifiques, réseaux d’eau et sécurité sanitaire), structurer des filières professionnelles (formation notamment), aménager le territoire (mot que les organisations anglophones ont bien des difficultés à traduire). L’échange de savoir-faire entre collectivités territoriales de différents continents est fécond. Ainsi le conseil régional de Bretagne travaille-t-il avec la région Centre du Burkina Faso autour de Ouagadougou pour sécuriser les approvisionnements locaux, consolider l’agriculture maraîchère et impulser la création de coopératives de producteurs. À juste titre, Olivier de Schutter, professeur à l’UCL de Louvain, et rapporteur spécial pour le droit de l’alimentation du Conseil des droits de l’homme à l’ONU, met en exergue les initiatives de Bela Horizonte au Brésil et de Durban en Afrique du Sud pour créer des systèmes alimentaires locaux en reliant les petits agriculteurs aux consommateurs locaux. Intervenante lors des débats parisiens qui se déroulaient au siège de l’Association des Maires de France, Aminata Sy, secrétaire générale du Conseil des collectivités territoriales de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine) a insisté sur l’importance de l’approche territoriale du développement, décrivant les initiatives prises dans la bande sahélienne pour l’équipement rural.
Dans ce dialogue des territoires, à l’heure de la mondialisation, nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. Il ne s’agit surtout pas d’exporter les supposées solutions économiques du Nord. Les expériences d’organisation d’une agriculture périurbaine inclusives menées en Amérique latine ou en Afrique, qui n’opposent plus urbain et rural, feraient bien d’inspirer les élus locaux européens. Le projet réussi des villes rurales vertes de Songhaï, au Bénin, constitue un modèle de développement pour les jeunes en zones rurales. Songhaï a noué avec les pouvoirs publics des partenariats pour mettre en œuvre un nouveau modèle de ville rurale, durable et technologique pour maintenir les jeunes à la campagne en leur offrant tous les services auxquels ils aspirent. Aujourd’hui, des centres du type Songhaï voient le jour dans d’autres pays d’Afrique. Lors du colloque, Najat Rochdi, directrice adjointe du PNUD, le programme des Nations Unies pour le développement, appelait au développement de plateformes collaboratives entre collectivités du Nord et du Sud pour la diffusion des savoirs et des savoir-faire : « chaque nord a son sud et chaque sud a son nord, nous entrons aujourd’hui dans des coopérations d’égal à égal. »
Qualité des productions, soutien aux échanges, approche environnementale, respect des équilibres et des contraintes : autour de la question alimentaire, se construisent de nouveaux modèles de développement au profit des populations. Le combat en faveur de la sécurité alimentaire est lié au défi climatique. Il s’agit d’augmenter la production tout en respectant l’environnement et en préservant les ressources. Les paysans sont les plus touchés par la pauvreté et la faim. Ils sont pourtant au cœur de la réponse à apporter pour garantir la sécurité alimentaire, avec une agriculture familiale bien adaptée au développement des territoires. En 2050, 69 % de la population mondiale vivra en ville. Il faut reconstruire des systèmes alimentaires locaux qui relient citadins et producteurs locaux, structurer une économie agricole de proximité au profit des habitants. Pour assurer le développement local et relever le défi de la sécurité alimentaire, la décentralisation politico-administrative ne suffira pas. Elle constitue toutefois le point de départ indispensable à l’élaboration de nouveaux modèles sociaux inclusifs, répondant aux besoins des hommes et des femmes qui veulent mieux vivre ensemble, dans leur quartier ou leur village, où qu’ils habitent sur la planète Terre.
Illustration : Godfrey NZAMUJO, créateur du Centre Songhaï-Bénin