Le Président de la République l’a dit hier dans sa conférence de presse, il va faire baisser de 60 milliards d’euros la dépense publique durant son quinquennat. La dépense publique, c’est 57% du PIB, a précisé François Hollande ajoutant cruellement pour ces prédécesseurs : « C’était 52 % il y a cinq ans, bénéficions nous pour autant de meilleures prestations ? ». C’était cette même question basique que posait ingénument Nicolas Sarkozy pour justifier la RGPP et les baisses d’effectifs dans la fonction publique d’Etat. Pourtant entre la RGPP et le nouvel outil gouvernemental que constitue la MAP (Modernisation de l’action publique), il y a une vraie différence, le poids des mots mais aussi le choc de deux cultures politiques. En 2007, le Premier ministre François Fillon et son ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, Eric Woerth, lançaient un plan drastique de RGPP (Révision générale des politiques publiques) en reprenant jusqu’à son acronyme la méthode mise en œuvre quelques années plus tôt au Canada qui avait permis de redresser les comptes publics. Dans les deux premières années de cette RGPP, la réforme de l’administration a été menée à marche forcée dans un but de rationalisation et de recherches d’économies. Dès 2010, 374 décisions avaient été entérinées et trois rapports d’étapes sur l’état d’avancement des mesures avaient été remis, une nouvelle direction centrale avait vu le jour à Bercy, la DGME (Direction générale de la modernisation d’Etat), et un Conseil de modernisation des politiques publiques réunissait tous les trimestre autour du directeur de cabinet du Premier ministre, les responsables ministériels pour s’assurer de la mise en œuvre de cette RGPP.
En 2012, six mois après l’alternance présidentielle, le premier ministre Jean-Marc Ayrault et sa ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, viennent de mettre en place les nouveaux outils de modernisation de l’administration. Ne dites plus RGPP mais MAP : modernisation de l’action publique. Alors que la RGPP avait été présentée par la précédente majorité comme une purge à administrer à une fonction publique jugée obèse, Marylise Lebranchu prend soin d’évoquer la dimension sociale de la modernisation et de rappeler sa volonté d’associer étroitement les représentants des agents à la réforme. La RGPP avait été vécue par les fonctionnaires comme une opération de cost-killing (réduction drastique des coûts de fonctionnement) et digérée avec abnégation par les agents de l’Etat, notamment dans l’administration préfectorale dans le cadre de la Réate (réforme de l’administration territoriale de l’Etat). La conduite de la réforme avait ignoré le management intermédiaire. De même, les élus locaux n’avaient pas été associés à la réorganisation des services de l’Etat et chaque fermeture de services publics ou d’agences locales était vécue comme un abandon. Marylise Lebranchu estime que la nouvelle démarche de modernisation de l’action publique, associant étroitement les cadres et les agents des services publics, va de pair avec le nouvel acte de décentralisation. D’ailleurs, elle évite de plus en plus de parler d’acte III de la décentralisation, préférant parler de réforme de l’action publique. De même qu’elle s’interdit de parler de doublons pour ne vexer personne et pourtant dans cette re-ingénierie des politiques publiques, il va falloir alléger les inventions et le nombre des intervenants.
L’ancien ministre italien de la Réforme de l’Etat, Franco Bassanini, aujourd’hui directeur général de la Caisse des dépôts dans la péninsule, m’avait expliqué que pour réussir sa réforme de l’administration italienne, il avait créé des ambassadeurs de la réforme, fonctionnaires de tous niveaux hiérarchiques, qui avaient relayé auprès de leurs collègues l’action en cours. Le péché originel de la RGPP a été de rester limitée au top management de l’Etat dans son pilotage. La MAP, pour réussir, doit associer tous les acteurs publics. Paradoxalement, les gouvernements de gauche vont plus loin dans les réformes des organisations publiques que ceux de droite. Paul Quilès, alors ministre des Postes et télécommunications (eh oui, cela existait à une époque pas si lointaine, 1988-1991) ou Jean-Claude Gayssot, ministre communiste des Transports, ont su conduire le big bang des administrations dont ils avaient la responsabilité. Ils ont pu associer au changement les partenaires sociaux, éviter les oppositions syndicales frontales et présenter la réforme comme un axe de progrès social. Alors oui, si ces conditions sont réunies, la MAP peut réussir. Côté budgétaire, selon Jean-Marc Ayrault, la pilule n’est pas si grosse à avaler. Présentant la semaine dernière les nouvelles mesures d’économie de 10 milliards prises après le rapport Gallois, Le Premier ministre donnait la mesure de l’effort : « 10 milliards d’euros d’économies, c’est moins de 1 % de la dépense publique totale, qui atteint 1.100 milliards d’euros ; c’est 0,5 % de la richesse nationale, qui se monte à 2.000 milliards d’euros. »
Depuis quelques semaines, un secrétariat général à la modernisation de l’action publique (SGMAP) est à la manoeuvre. Il regroupe la Direction interministérielle pour la modernisation de l’action publique (DIMAP), qui remplace la Direction générale à la modernisation de l’État ; la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication de l’État lui est rattachée et d’ailleurs le nouveau secrétaire général de la MAP est Jérôme Filippini qui vient d’être directeur général de la modernisation de l’action publique après avoir été le premier DISIC (directeur interministériel des systèmes d’information et de communication) en 2011 auprès du secrétaire général du gouvernement. La feuille de route est concrète. Un premier comité interministériel pour la modernisation de l’action publique va se réunir en décembre : il fixera le programme d’évaluations de politiques publiques partenariales à conduire en 2013 ; il définira la politique de rationalisation des agences et des opérateurs ; il adoptera un plan de simplification et d’allègement des normes applicables aux collectivités et aux entreprises, en lien avec le séminaire sur la compétitivité ; il arrêtera un programme de simplification des démarches administratives. La MAP prend bien le relais de la RGPP mais on peut déjà lire dans les premiers axes de travail quelques différences dans l’art d’application.