C’était il y a quelques jours à la préfecture de région Poitou-Charentes, à Poitiers. La ministre de la décentralisation et de la fonction publique, Marylise Lebranchu, qui parcourt l’Hexagone pour vanter les mérites de la réforme territoriale, rencontrait des représentants syndicaux. Ils lui ont exprimé leurs craintes sur les effets de la fusion prochaines des trois régions Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin. La ministre s’est voulue rassurante. L’État n’a pas l’intention de “tout recentraliser à Bordeaux“. “Il y aura le moins de mobilité possible“, a-t-elle précisé, ajoutant que “l’idée est de garder les grandes administrations à proximité des territoires, au maximum là où elles se trouvent déjà“. Marylise Lebranchu surenchérit même : “Notre volonté est de revenir à la structure départementale de l’État qu’on a trop déshabillée ces dernières années, ajoutant au sentiment d’abandon“.
Les grandes manœuvres ont pourtant commencé. Les conclusions d’une revue des missions et des travaux de la mission inter-inspections sur la réorganisation de l’État territorial sont attendues pour fin mars. Le Premier ministre a envoyé à tous les préfets de région une circulaire relative à la préparation de la réorganisation des services régionaux de l’État. Matignon leur demande d’établir des “diagnostics territoriaux“ d’ici le 30 avril. Des préfets de région et des directeurs régionaux préfigurateurs seront alors nommés pour piloter les nouveaux projets d’organisation dans les futures grandes régions. Pour cette vaste opération de downsizing qui conduit à passer de 22 à 13 préfectures de région et d’autant de directions régionales (ARS, DRAAF, DRAC, DIRECCTE, DREAL, DRFiP, DRJSCS, DRRT…), ils bénéficieront de l’appui de directeurs de projet en cours de recrutement.
Les maires des futures ex-capitales régionales savent bien que leurs bassins d’emploi public vont souffrir et ils commencent à défendre le principe d’une organisation en réseau entre les anciennes et la future capitale régionale. Lors de l’examen du projet de loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République), les députés leur ont voté un lot de consolation, amendement autorisant les agglomérations qui, comme Amiens, Besançon, Caen, Châlons-en-Champagne, Clermont-Ferrand, Limoges, Metz ou Poitiers, vont perdre le statut de capitale régionale à se transformer en communautés urbaines même si elle n’ont pas les 250.000 habitants requis. Ce n’est pas anodin, le maire de Poitiers a calculé que chez lui, le gain financier s’établirait entre 3 et 4 millions d’euros.
Ces villes risquent d’être frappées du syndrome de Bonn. Au lendemain de la réunification allemande et du transfert de la capitale de la République fédérale de Bonn à Berlin, les responsables fédéraux promettaient, la main sur le cœur, une égale répartition des administrations entre les deux villes. Au fil du temps, Bonn perd des prérogatives, les fonctionnaires ne veulent plus faire la navette et préfère vivre dans la nouvelle capitale.