La régionalisation, une voie pour la paix au Mali

GLF BamakoRetour de Bamako où Global local forum a organisé du 23 au 25 mars 2015 un atelier sur la régionalisation dont j’étais un des facilitateurs. Des journées d’échanges à partir d’un benchmark sur la régionalisation dans le monde, réunissant des responsables politiques régionaux de différents pays et des experts qui ont pu confronter les expériences et les conditions de réussite avec les responsables politiques maliens.

Ce séminaire était organisé en partenariat avec le Conseil des collectivités territoriales de l’UEMOA, dont le président François-Albert Amichia a activement participé aux débats, et sous l’égide du ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation du Mali, Abdoulaye Idrissa Maïga, qui a introduit les travaux puis a participé à leur restitution et à leur conclusion. Plusieurs panels, présidés notamment par Jeannot Kouadio-Ahoussou, ministre d’État, ancien Premier ministre de la République de Côte d’Ivoire, président de l’Association des régions et districts de Côte d’Ivoire (ARDCI), par Modibo Sidibé, ancien Premier ministre du Mali, par Jean-Paul Bachy, vice-président de l’Assemblée internationale des régions francophones (AIRF), président de la région française de Champagne-Ardenne, ont permis l’expression des points de vue dans le respect des opinions. À partir des expériences et trajectoires régionales d’autres pays, des lignes de convergences sont apparues pour réussir la régionalisation.

La régionalisation renvoie à des réalités très diverses selon les pays, de la déconcentration administrative à l’exercice effectif de la démocratie locale. Pays fédéraux ou unitaires, les champs de compétences assumées à l’échelon régional sont très variables. L’Assemblée des Régions d’Europe (ARE) définit la région comme étant “l’entité publique territoriale correspondant au niveau immédiatement inferieur au niveau de l’État et doté d’un gouvernement disposant de pouvoirs politiques propres“. On peut mesurer le niveau de décentralisation à partir de quelques questions : quel est le niveau d’autonomie des entités infra-étatiques ? Leurs représentants sont-ils élus ou nommés ? Les régions disposent-elles de personnels, de compétences et de ressources propres ? Sont-elles contrôlés a priori ou a posteriori par l’État central ? Comment dans les politiques d’aménagement du territoire, de planification, les administrations centrales agissent-elles en lien ou non avec les élus régionaux ?

Condition de la réussite : la confiance entre les élus régionaux et l’État

Au delà des différences, les différents panels ont montré que la réussite de la régionalisation nécessite quelques conditions. C’est une démarche progressive qui exige la confiance entre l’État et les régions. L’histoire récente des autonomies en Espagne (marquée notamment par le terrorisme au Pays Basque) montre par exemple que la confiance peut se construire à partir d’une politique contractuelle par des chartes de régionalisation et des instruments qui fixent les règles du jeu de la relation État-régions pour mettre fin à des crises graves. La régionalisation n’est pas seulement l’affaire des élus locaux. Elle doit impliquer les habitants à la chose publique, la société civile, et les acteurs des autres niveaux de collectivités territoriales.

La construction de l’action publique par la régionalisation exige aussi un apprentissage de la part des acteurs, responsables administratifs et politiques, une culture commune au service du développement. Les dispositifs de régionalisation doivent être à la hauteur des promesses faites par l’État et des attentes exprimées par les citoyens.

En outre, dans les pays d’Afrique, la régionalisation permet une meilleure gestion des espaces frontaliers, territoires vécus par les population au delà des limites administratives, avec une prise en compte à l’échelle des bassin de vie des habitants, des enjeux de développement et de coopération transfrontalière à soutenir dans le cadre des politiques d’intégration.

La synthèse des travaux était confiée au Professeur Doulaye Konate, professeur à l’Université de Bamako, pour qui la régionalisation, “c’est un État qui redéploie ses modalités d’organisation“. En effet, ces deux jours d’échange et d’écoute ont montré que la politique de régionalisation permet souvent de refonder l’action de l’État et de son administration, dont l’efficacité est parfois, mise en cause, notamment dans les territoires périphériques, loin du pouvoir central. C’est l’occasion pour l’administration de l’État de se recentrer sur ses missions régaliennes en ayant, à l’échelon local, un rôle de soutien, d’accompagnement aux projets régionaux. Dans cette refondation, l’État a tout à gagner en devenant facilitateur et garant. Toutefois, cette évolution exige un portage politique fort au niveau du pouvoir central pour obtenir l’adhésion de l’administration et sa mobilisation au service de cette nouvelle forme d’action publique.

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