L’imbroglio de Notre-Dame-des-Landes. Comment a-t-on pu en arriver là ?

 

Capture d’écran 2016-02-17 à 19.47.02Vous avez “aimé“ le feuilleton sur la déchéance de nationalité, vous allez “adorer“ celui sur le référendum de Notre-Dame-des-Landes. Depuis l’annonce faite à l’occasion du remaniement gouvernemental par le président de la République d’organiser un référendum local sur le projet controversé d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, les juristes y vont de bon cœur pour montrer la difficulté de l’exercice. Le Premier ministre a voulu siffler la fin de la récréation en annonçant que les modalités précises du référendum seront établies d’ici « un mois au plus » avec les « consultations nécessaires (…) à la fois sur la question qui sera posée, sur le périmètre de la consultation, et sur les modalités“. Et manuel Valls d’enfoncer le clou : “Cette consultation aura lieu et elle aura force de loi d’une certaine manière, au-delà de l’avis des élus. (…) Consulter les citoyens sur ce sujet-là, avant l’été, s’impose et donnera la force nécessaire au projet ». Acceptons-en l’augure.

Le président du groupe des Radicaux de gauche à l’Assemblée nationale, Roger-Gérard Schwartzenberg, a mis en garde l’exécutif contre un « double obstacle juridique » : le projet relève non de la compétence locale mais de l’État qui a déclaré les travaux d’utilité publique. Or, l’État ne peut décider d’un référendum local et une collectivité territoriale ne peut organiser un tel référendum sur un dossier relevant non de sa compétence mais de celle de l’État. Les référendums locaux à caractère décisionnel sont possibles depuis la loi du 1er août 2003, s’ils sont organisés à l’initiative de collectivités territoriales et si le projet de délibération tend à régler une affaire de la compétence de cette collectivité.

Qui doit voter ? Les habitants du périmètre immédiat, les usagers futurs de la zone d’influence, les contribuables qui ont déjà commencé à financer le projet ? Matignon a indiqué que le vote serait “défini à l’initiative des collectivités locales“ et suggéré que le périmètre du scrutin soit le département de la Loire-Atlantique. (le conseil départemental a pourtant perdu ses compétences en transport ou développement local). Le département finance à hauteur de 23,1 millions d’euros le projet, soit 4 % de l’opération globale, estimée à 561 millions d’euros, supportée par l’État, maître d’œuvre, par le concessionnaire du futur site, Aéroports du Grand Ouest, filiale de Vinci, et par les deux régions Pays de la Loire et Bretagne, cinq départements (Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine, Morbihan, Mayenne et Maine-et-Loire), cinq grandes villes dont les Bretons puisque le projet va impacter fortement l’aéroport de Rennes.

Comment a-t-on pu en arriver là ? Toutes les procédures de débat public ont été respectées et, le 25 janvier dernier, la justice a ordonné l’expulsion des derniers habitants historiques. Le site est occupé depuis 2009 par des militants anticapitalistes qui entendent protéger un environnement qu’ils jugent fragile et permettre à aux agriculteurs de poursuivre leurs activités. Les travaux n’ont jamais repris depuis 2012, entraînant un retard de déjà quatre ans pour un projet qui aurait dû être achevé en 2017. En cas d’échec du référendum, le concessionnaire pourra demander à juste titre, un dédommagement qui, selon les experts, pourrait coûter aussi cher au contribuable national que les ex futurs portiques Ecotaxe. La Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut) a qualifié le projet de référendum de “fausse bonne idée“. Le mot est faible. À la différence des Suisses, les Français n’ont toujours pas la culture de la démocratie directe et du référendum. Il faut certainement en développer la pratique, mais au début des projets, pas à la fin quand toutes les procédures -elles-mêmes démocratiques- ont été employées.

Illustration : Dessin de Frap  paru dans Presse-Océan en décembre 2012 quand ce quotidien départemental de Loire-Atlantique interrogeait ses lecteurs sur l’opportunité d’un référendum qualifié à l’époque d’ “hypothèse d’école“.

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