C’est déjà un des livres de la rentrée. Il n’est pas signé par Eric Zemmour mais son titre donne le ton : Le crépuscule de la France d’en haut. L’auteur, le géographe Christophe Guilluy qui avait publié en 2014 La France périphérique (Flammarion), récidive et son nouvel ouvrage frappe par la vigueur du propos, voire la colère de l’auteur. La France d’en haut, ce sont les habitants des métropoles : “La véritable fracture oppose ceux qui bénéficient de la mondialisation et qui ont le moyens de s’en protéger et ceux qui en ont les perdants“. Pour lui, “de la même manière que la concentration de l’activité commerciale dans les hypermarchés a entraîné une disparition des petites commerces, le modèle économique mondialisé métropolitain conduit aujourd’hui à une désertification de l’emploi et des activités dans les petites villes. »
Christophe Guilluy n’hésite pas à parler de totalitarisme soft car les électeurs habitants de la France périphérique sont majoritaires dans le pays mais ont perdu le pouvoir. L’auteur stigmatise les bien pensants qui parlent du vivre-ensemble mais développent des stratégies pour éviter à leurs enfants toute mixité scolaire ou les responsables politiques qui vantent les valeurs républicaines en négociant localement avec les responsables communautaires. Le géographe constate une désaffiliation sociale des classes populaires et des banlieues.
Il faut distinguer dans ce livre entre, d’une part, le ton souvent véhément de l’auteur qui dénonce une urgence sociale et, d’autre part, les observations souvent très justes de ce chercheur qui propose de revisiter les catégories classiques pour comprendre la France. Il dénonce ainsi la typologie de l’INSEE qui divise le territoire entre zones urbaines et zones rurales. Pour Christophe Guilluy, “SI cette division permet effectivement de représenter des densités de populations et des bassins de vie, elle n’offre qu’un panorama partiel de la société populaire. La réalité urbaine des petites villes et des villes moyennes n’a rien de commun avec celle de grandes métropoles.“ On confond trop souvent la France périphérique avec la France périurbaine. Ce n’est pas seulement cela, c’est aussi la France éloignée des zones d’emplois les plus dynamiques, celle qui pose le même diagnostic sur les effets négatifs de la mondialisation. “Cette France périphérique, majoritairement populaire, pèse près de 60 % de la population. En révélant une société populaire majoritaire, le concept de « France périphérique » déconstruit le représentation dominante“, écrit le géographe qui rappelle qu’il a conçut son concept de France périphérique avec un indice de fragilité dont il présente les paramètres. Cet apport méthodologique de Christophe Guilluy pour la connaissance de l’état de la France est plus intéressant que son gros coup de colère contre la France d’en haut. Il serait dommage de ne retenir que la charge pamphlétaire et d’ignorer son travail de fond et les propositions utiles du géographe pour tous les décideurs publics.