Il a longtemps été de bon ton de fustiger les ronds-points comme symboles de la gabegie des collectivités locales et des services de l’Équipement. Un stéréotype négatif comme il y en a tant d’autres sur la gestion publique locale qui, à force d’être répété, prend la forme d’une semi-vérité. Heureusement, le vent tourne et l’actualité récente réhabilite les ronds-points. Cela valait bien un éloge de ces mal aimés. Non, les élus locaux et leurs services techniques ne sont pas des irresponsables qui dépensent sans compter l’argent du contribuable.
Depuis des années, Denis Kessler, le PDG du réassureur Scor, vice-président du Medef, se fait applaudir aux universités d’été du mouvement patronal en fustigeant “les 30.000 ronds-points que les collectivités locales françaises ont construit depuis 30 ans“ en ajoutant que “plutôt que de tourner en rond, il faut remettre les finances locales dans le droit chemin“. Et cette antienne anti ronds-points est reprise par l’IFRAP, le think tank pour qui toute dépense publique est une dépense de trop. Ajoutez à cela le dénigrement des aménagements de ces fameux ronds-points car de beaux esprits ont créé un concours des ronds-points les plus moches de France et des sites Internet fleurissent pour dénigrer ces créations d’art populaire, certes parfois maladroites. Ces aménagements urbains qui visent d’abord à la sécurité routière méritent-ils tant d’indignité et d’indignation ?
Première réponse : l’aménagement d’un carrefour avec des feux tricolores n’est pas indolore pour les finances locales. Il coûte environ 30.000 euros par an en dépenses de fonctionnement et de maintenance. Deuxième réponse : Les ronds-points induisent une circulation douce, limitent les embouteillages et diminuent les temps d’attente. Christophe Damas, chercheur au CEREMA, rappelle qu’environ 10.000 accidents, provoquant 150 morts et 1.500 blessés, se produisent, chaque année, au niveau de carrefours à feux. “Les feux rouges annihilent notre capacité d’un comportement socialement responsable“ observe un autre expert : “Quand vous traitez les gens comme des idiots, ils deviennent des idiots“.
Pour conclure ce rapide exercice de réhabilitation, citons le penseur libéral Gaspard Koenig : “La route se fait ainsi l’illustration et la métaphore d’une conception libérale de la loi, destinée à créer de la responsabilité plutôt qu’à multiplier les contraintes. Au lieu de dicter les comportements individuels (tu passeras au vert), l’État doit permettre à chacun d’en mesurer les conséquences (tu passeras quand les conditions le permettront). Le rond-point, c’est le triomphe de la main visible“.